Madame Rose est chrétienne, milite à la CGT et au MLP (mouvement de libération du peuple). Mère de 8 enfants comme beaucoup de familles catholiques de ce Nord de la France, elle milite contre l’avis de son mari et de tous ses enfants sauf l’aîné (le plus concerné par cette guerre honteuse), sans parler de l’hostilité de son curé bien à droite comme la majorité de cette petite ville bourgeoise (c’est la ville de « ces dames au chapeau vert » pour ceux qui connaissent ce roman). La famille vit dans une sorte de hall ou de hangar où il pleut parfois ; les enfants ont des sortes de loges, de boites sur une mezzanine. La maison est au cœur d’une cité ouvrière pépinière de taudis. Je ferai du porte à porte pour la première fois de ma vie avec Madame Rose et découvrirai la chaleur de la solidarité ouvrière. Vous pensez bien que l’action de mon amie et des ses 20 autres camarades ouvriers du MLP embarrassait la municipalité qui lui proposa un appartement de 5 ou 6 pièces dans la cité HLM en constriction. Madame Rose aurait accepté si ses voisins de la cité aussi mal logés qu’elle avaient eu la même proposition. Consciente du piège tendu, elle refusa d’être la seule relogée. Je n’ai pas osé alors lui demander ce que fut son accueil lorsqu’elle annonça ce refus à sa famille !!

Ce récit est plus qu’un témoignage parmi d’autres. «En ces temps là », la solidarité ouvrière, la chaleur humaine, le lien social tissé dans les cités par des militants désintéressés a fait la force des associations créées par les chrétiens et aussi les communistes (ce fut la base du « communisme municipal » et de son enracinement qui persiste encore ici ou là). Madame Rose s’inscrit dans le parcours collectif d’innombrables chrétiens de gauche qui ont créé beaucoup de structures alors nouvelles et encore vivantes dont je reparlerai. De plus, leur basculement a permis les victoires de Mitterrand, de Jospin, de moult députés ou maires de gauche en Bretagne, en Vendée, en Alsace, etc. Car, de jusqu’en 1940 la masse des catholiques votait systématiquement à droite ; seuls petits groupuscules comme le Sillon de Marc Sangnier ou Jeune République portaient la bannière du christianisme social. Ce sont les chrétiens issus de ce MLP qui ont les premiers permis une entrée relativement massive dans la gauche via le PSU en y constituant une grande partie de sa base ouvrière. Je raconterai tout cela plus tard.