LIP était une marque de montres mondialement connue qui dominait le marché horloger français et travaillait accessoirement pour l’armée française en fabriquant des têtes de fusées. Son patron Fred Lip n’était pas un patron « voyou » mais un humaniste et un paternaliste, nul quant à la gestion économique et à la projection dans l’avenir. Il ratait le virage de la montre à quartz.

L’usine de Palente à côté de Besançon allait fermer ; les luttes syndicales classiques avaient échoué. Les Lips décident alors de se constituer un trésor de guerre en saisissant le stock de montres. Il est planqué dans un couvent ou un lieu catholique de ce type. En effet les 7 ou 8 leaders de la lutte (Piaget, Vittot, Raguenès, etc.) étaient tous membres à la fois du PSU et de la CFDT, de cette mouvance chrétienne ACO (action catholique ouvrière), JOC (jeunesse ouvrière chrétienne), prêtres ouvriers ; elle constituait la majorité de cette base ouvrière PSU de 1500 ou 2000 membres qui avait joué un rôle déterminant dans les luttes ouvrières de mai 68. L’usine est remise en route en autogestion et expérimente toute une série de problèmes fondamentaux comme ceux de la hiérarchie, de l’échelle des salaires ; de la rotation des tâches, du « produire pourquoi », des rapports femmes-hommes, des relations comité d’action-syndicats, c’est à dire des non syndiqués et des syndiqués. Le « on produit, on vend, on se paie » devient connu de la France entière, de même que l’énorme banderole « C’EST POSSIBLE » dressée devant l’usine. « Il éclatait comme le cri de joie incrédule que l’on pousse lorsqu’on a réussi l’impossible, l’improbable » écrit Rocard dans la longue postface au livre LIP de Charles Piaget. il y analyse remarquablement cette lutte. D’ailleurs le siège national du PSU sera la plaque tournante de l’organisation des ventes de montres LIP nécessaire pour assurer la survie des travailleurs ; ce recel et ces ventes illégales ont été assumées par le PSU et la CFDT, beaucoup de comités d’entreprises et …notre Teinturerie (désobéissances civiques ?). Ce récit préalable était nécessaire pour celles et ceux qui ont envie de suivre mes récits sur histoire@philippon.org où je raconterai les aventures de nos ballons indociles « du fric pour LIP » et de nos « bombages » PSU 20. Deux exemples de la riche créativité des LIP : le jeu Chomageopoly qui copie le Monopoly mais en inversant l’idéologie ; J’ai un exemplaire et nous avons commencé une partie un jour rue de la Chine. Avis aux amateurs ! Deuxième : la minuterie des têtes de fusée transformée en minuteur pour les cuissons ! La lutte des LIP inspira celle des PIL, les femmes de Cerizay dans les Deux Sèvres qui fabriquaient des chemisiers. Lip a survécu plusieurs années avec un nouveau patron puis en coopérative. IL reste un symbole de la revendication autogestionnaire

PS Pour information de celles et ceux qui n’ont pas vécu cela, Michel Rocard fondateur avec d’autres du PSU en avril 1960, est élu secrétaire national en juin 1967, candidat pour le PSU à la Présidentielle de 1969 (3,6% des voix alors que Gaston Defferre pour le PS dépasse de justesse les 5%). Il est élu député des Yvelines contre Couve de Murville en octobre 1969 (Couve fut le grand ministre des Affaires Etrangères du général De Gaulle puis son premier ministre). Rocard quitte le PSU en octobre 1974 lorsqu’il fut battu sur son projet de rejoindre le PS mitterrandien lors des Assises du Socialisme