Deuxième billet : le parti-église. Modèle parti stalinien des années 1950-1960…

A la fin de la guerre de 1940, le parti communiste français se proclame le parti de la résistance à l’occupant nazi. Il l’est devenu lorsque le pacte germano-soviétique a été rompu avec l’invasion de l’URSS par les troupes de Hitler! En fait il y avait eu également (et avant) des résistants gaullistes, socialistes, etc.

Il devient le grand parti de la classe ouvrière, avec presque un million d’adhérents et des cadres politiques solides formés dans la résistance, un véritable parti « de classe et de masse ». Il obtient des ministres dans le gouvernement De Gaulle, fait élire de nombreux députés mais, plus important, conquiert de nombreuses municipalités surtout dans les « banlieues rouges » mais aussi dans de grandes villes. C’est le début du communisme municipal. Le PCF crée dans ses communes une véritable société parallèle, assume efficacement tous les aspects de la vie : logement (avec un urbanisme souvent inspiré par la grandiloquence stalinienne), culture, santé, social, prévention et sécurité, économie locale, solidarités de toutes natures, chaleur des relations humaines via ses cellules de quartier. La CGT est sa courroie de transmission avec le monde de l’entreprise (des responsables siégeaient simultanément dans les instances dirigeantes de la CGT et du PC, y compris au niveau national). Beaucoup de ces villes resteront donc tout naturellement des bastions communistes lorsque le PC déclinera car leurs maires furent souvent de remarquables gestionnaires, accessibles, modestes.

Il reste encore de façon plus réduite : la chaleur humaine et les solidarités dans les cellules de base – l’implantation populaire avec les porte à porte – les grandes fêtes de l’Huma – la tenue régulière de points de vente de l’Huma dimanche qui assure un contact proche avec la population

Mais cette vision idyllique doit être complétée par des aspects bien plus sombres, en ce qui concerne la démocratie. Le PCF est alors totalement inféodé à l’URSS et à Staline (il ne commencera à évoluer lentement qu’après 1968, ses dirigeants avaient même mis beaucoup de temps à publier le rapport Khrouchtchev contre le stalinisme!) Il est régi officiellement par le centralisme démocratique dans lequel toutes les décisions viennent du sommet, le bureau politique. Toute contestation de la ligne se traduit par un procès devant la cellule de base, l’exclusion du parti mais aussi du noyau social dans lequel l’exclu doit continuer à vivre. Cela est terrible car tous les aspects de la vie locale sont sous contrôle du parti! Les cadres de la résistance qui, pour survivre, ont été obligés d’avoir une pensée autonome, libre, deviennent peu à peu suspects pour les bureaucrates politiciens du bureau national et seront mis sur la touche - voire exclus - avec des méthodes scandaleuses comme le grand colonel Guingouin, libérateur de Limoges. Le droit de tendance est formellement interdit et les opposants à la ligne officielle ont longtemps été obligés de rester clandestins.

Le verrouillage du centralisme démocratique, la mise sous tutelle des intellectuels communistes a figé la doctrine dans un marxisme simpliste, bloqué les analyses sur l’évolution rapide de la société pendant les 30 glorieuses, sur la « nouvelle classe ouvrière », l’importance des cols blancs, des employés, de la paysannerie, de la massification du monde étudiant. Ces études ont été menées en dehors du parti notamment dans le tandem PSU-CFDT (qui n’était pas du tout la CFDT actuelle).

Cette sclérose intellectuelle explique en partie que le PC n’a pas compris l’explosion étudiante de mai 68, ni la profondeur de la révolte ouvrière qui n’était pas seulement de nature quantitative (augmentations de salaires vite compromises par l’inflation galopante de l’époque) mais beaucoup qualitative (rapports avec la hiérarchie, avec un patronat de droit divin, conditions de travail). Le PC, par sa nature même, ne pouvait ni comprendre, ni accepter le projet de socialisme autogestionnaire porté conjointement par le PSU et la CFDT (souvent les syndicalistes CFDT avaient aussi une carte PSU), popularisé par la lutte des LIP en 1972.

Il a préféré négocier avec Mitterrand le programme commun. Il pensait que le rapport des forces était en sa faveur car son candidat Jacques Duclos avait fait 21% à la présidentielle de 1969 et le PS 5,1% ; sa force militante était 10 fois celle des socialistes. Vous connaissez la suite, la difficile collaboration avec François Mitterrand après 1983, l’expérience de la gauche plurielle de Jospin et le lent déclin du « grand parti de la classe ouvrière. Ce déclin a plusieurs causes : soumission totale au modèle soviétique qui s’est effondré avec le mur de Berlin, au mode de fonctionnement, au manque de débats politiques réels à l’intérieur de l’organisation, à la coupure avec le monde intellectuel, etc. Bon sujet de discussions ?