La police n’aimait guère les militants hostiles à l’Algérie française et, une nuit de 1960, nous sommes arrêtés, Robert Leprieur et moi, lors d’un collage d’affiches pour la paix. Dans le commissariat nous subissons les sarcasmes des policiers, découvrons le bric-à-brac invraisemblable des poches d’un clochard qu’il doit étales sur la table devant nous, pour inventaire administratif à la Prévert, les prostituées enfermées dans des cages grillagées. Pour vérifier mon domicile ils viennent à minuit sonner à l’hôtel et réveillent les propriétaires. Je ne sais plus comment le lendemain j’ai convaincu ceux-ci que je n’avais pas été arrêté pour un larcin, mais pour un banal collage d’affiches !

Une solidarité aux suites cocasses

Nous sommes en 1961, dans une période où la police traque les militants du FLN de France. Ceux-ci organisent en particulier des collectes d’argent pour soutenir leurs frères d’Algérie. Je suis un modeste militant de Jeune Résistance qui aide les jeunes appelés qui refusent d’aller participer en Algérie aux intolérables actions de l’armée française en choisissant l’insoumission.

Je me trouve, à la tombée de la nuit, dans le quartier de l’Opéra. Pour un besoin urgent, je fais une pause dans la vespasienne qui se trouvait alors en face des Galeries Lafayette. Je marche ensuite sur les grands boulevards lorsque m’aborde un jeune Algérien. Affolé, il sollicite mon aide car il n'a plus de lieu pour passer la nuit et ne peut demander une chambre dans un hôtel. Il travaille, dit-il, dans le grand café de la place de l’Opéra et me propose de me montrer ses papiers. Je lui dis que je n’ai qu’une petite chambre dans un hôtel meublé de la rue des Alouettes, près des Buttes-Chaumont. Il insiste. Nous marchons côte à côte. Je n’ai qu’un seul lit. Il insiste, désemparé. Nous marchons. Je me dis : « Tu as des principes, des convictions et puis, face à une demande concrète, tu recules ! » Alors, je finis par accepter de l’héberger. Nous voilà rue des Alouettes ; je lui propose un pyjama ; il refuse. Nous voilà dans le même lit et il me fait des avances sans équivoque. C’est moi qui, cette fois, refuse. Devant la persistance de ses avances, je serai obligé de passer la nuit sur la couverture en le laissant à l’intérieur des draps. Il partira furieux le lendemain matin ! Car, me révèle-t-il, cette vespasienne des Galeries Lafayette était en fait un lieu de contact classique entre homosexuels à la recherche de compagnons !

Le peintre Renoir et l’OAS de 1962

Je suis trésorier de la fédération de Paris du PSU, dont le secrétaire est Marc Heurgon et le responsable de la formation Michel Rocard. Mon nom figure donc sur plusieurs documents. Nous sommes dans la période où les fanatiques OAS de l’Algérie française organisent des plasticages en plein Paris au domicile de gaullistes comme André Malraux (une fillette de 4 ans y perdra la vue), mais aussi de militants de gauche comme Sartre ou des journalistes. Marc Heurgon y a échappé de justesse car l’OAS a frappé à son ancienne adresse. Je pense que c’est un peu « ennuyeux » d’avoir une chambre au rez-de-chaussée, avec fenêtre sur la rue. Et … une nuit, je suis réveillé par un bruit et le choc sur ma tête d’un objet non identifié ! Secondes d’angoisse… lumière… , ouf ! sur ma tête je n’ai pas un morceau de la cloison mais la reproduction d’un tableau de Renoir que j’avais accrochée au-dessus de mon lit ! La ficelle usée avait eu la mauvaise idée de se casser en pleine nuit !