Stéphane Sitbon : Comment vit le PSU dans les années qui vont de 1973 à 1981, année de la victoire de François Mitterrand'?

Guy Philippon :

  • Le départ de Rocard amène logiquement le PSU à privilégier une ligne plus « autonome » : l’autogestion socialiste en opposition au Programme Commun PC-PS-MRG ; opposition symbolisée par la lutte des Lip. Le PSU se rapproche de l’extrême gauche pour infléchir programme et stratégies des partis de la gauche traditionnelle ; l’arrivée de l’AMR souligne cette évolution. Mais le PSU continuera à marquer sa différence avec l’extrême gauche dans les élections ; il appellera toujours à voter dans les seconds tours pour le candidat de gauche le mieux placé alors que LCR ou LO appelleront simplement à battre la droite.
  • Cette évolution est encouragée par différentes situations internationales. La révolution des œillets en avril 1974 au Portugal nous passionne. Notre section réalise en sérigraphie une immense affiche « lyrique » dessinée par Claude Picart qui proclame : « Portugal - C’est possible : l’initiative des masses, l’unité soldats travailleurs, la révolution en France comme au Portugal ». Pour notre stand de la fête du PSU de juin 1976 à la Courneuve nous produirons, avec le même dessin d’une foule de manifestants, une fresque de quatre mètres sur trois ; nous y vendrons du porto ; nous hébergerons le chanteur portugais José Alfonso qui était une vedette de la fête. Les analyses des divergences entre les différents courants portugais occuperont plusieurs de nos réunions. Le MES (mouvement de la gauche socialiste) était notre « équivalent » au Portugal. A l’initiative du PSU un meeting de soutien avec des représentants des extrêmes gauches portugaises, du MFA (Mouvement des Forces Armées dit mouvement des capitaines) et des anciennes colonies portugaises rassemblera 4000 personnes à la Mutualité en 1975.
  • C’est dans la même période que e PSU s’implique totalement dans la lutte des « Comités de soldats ». Une première manifestation d’appelé du contingent a lieu à Draguignan en septembre 1974. Le PSU soutient la création de ces comités et créé l’organisation IDS (Information pour les Droits du Soldat), pour exiger la reconnaissance d’un droit syndical dans l’armée. La première section syndicale de soldats est créée le 4 novembre 1975 à Besançon avec le soutien du PSU et de la CFDT. Le PC et le PS seront hostiles à cette initiative jusqu'au début 1976. La LCR sera favorable et active mais les autres organisations d’extrême gauche camperont sur des positions antimilitaristes. Pour notre section PSU du 20e le camarade Xavier Bolze assurera la liaison avec l’instance nationale. Le dimanche soir, sur les quais de la gare de l’Est, je participerai avec d’autres à plusieurs diffusions de tracts IDS, réservés aux soldats repartant en Allemagne après une permission. Nous risquions de sévères condamnations ! Dans notre arrondissement ce combat sera mené en liaison étroite avec l’Union Locale CFDT. En effet l’une de nos adhérentes, Geneviève, avait un compagnon, Michel membre de la LCR, emprisonné comme membre d’un Comité de soldats.
  • Le PSU apporte son soutien politique au peuple sahraoui qui a lutté pour son indépendance contre le colonisateur espagnol ; le Sahara Occidental figure dès 1963 sur la liste des territoires non autonomes (à décoloniser) établie par l'ONU. Manquant totalement à son devoir de puissance administrante tenue d'organiser un scrutin d'autodétermination, en 1975, l'Espagne dépèce le Sahara Occidental entre le Maroc (2/3) et la Mauritanie (1/3). Le Maroc sollicite l'avis de la Cour Internationale de Justice de La Haye ; réponse : ni le Maroc ni la Mauritanie n'ont de droit territorial sur le Sahara. Furieux, le roi du Maroc Hassan II organise la marche verte de 350 000 volontaires marocains, gigantesque invasion avec bombardements au napalm et dévastation des campements sahraouis, atrocités diverses et disparitions. Le PSU affirmera son soutien à la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique) proclame par le Front Polisario dès sa création en février 1976 et accueillera des délégués du Front dans ses congrès
  • Aujourd'hui, 80 % du territoire sont occupés par le Maroc. Sous l'égide de l'ONU, un cessez-le-feu a mis fin à la confrontation armée en 1991 et devait déboucher rapidement sur un scrutin d'autodétermination que les rois successifs du Maroc ont tout fait pour empêcher. Le peuple sahraoui n’est pas encore souverain chez lui ; le Sahara Occidental reste la dernière colonie d'Afrique.
  • C’est encore la période d’actions diverses contre le dictateur espagnol Franco, de luttes pour essayer de sauver les militants basques qui seront néanmoins garrottés. Nous collerons plusieurs affiches contre ce fascisme. Nous aurons un vrai débat entre ceux et celles qui boycottent le franquisme et refusent d’aller faire du tourisme en Espagne et d’autres qui pensent que des présences extérieures sont précieuses pour les opposants
  • Nous avions, pratiquement chaque semaine, une manifestation concernant la situation internationale car la paix au Viet Nam n’interviendra qu’en 1975 avec la chute de Saigon et la lutte contre le dictateur chilien Augusto Pinochet nous mobilisait intensément et je me souviens d’une manifestation interdite pour laquelle j’ai eu peur de la police. Valéry Giscard d’Estaing était-il un supporter de Pinochet ??
  • Nous participons activement, pour lutter contre l’Apartheid en Afrique du sud, avec le MAA (Mouvement Anti Apartheid) à la campagne de boycott des oranges Outspan et notre local accueillera un comité du boycott.
  • Nous sommes totalement solidaires de la lutte des paysans du Larzac. Certains d’entre nous achètent dans le cadre des GFA (Groupes Fonciers Agricoles) un lopin de terre pour empêcher l’armée d’occuper tout le plateau. Je participerai en août 1973 au grand rassemblement de l’été sur le plateau qui « expulsera » calmement François Mitterrand. Le PSU était doublement présent avec son stand officiel et par les membres de la GOP (Gauche Ouvrière et Paysanne) qui venait de le quitter. Je garde un souvenir précis de la grande moisson effectuée par les paysans dans un champ situé aux pieds de l’immense foule (100 000 personnes) rassemblée sur le plateau). Après sa victoire de 1981 Mitterrand aura la sagesse ou… l’habileté (car l’affaire pourrissait le climat politique) de donner satisfaction aux paysans contre l’armée en oubliant l’incident de 1973 !