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  • Roger était né en 1927 sur la « zone », « cet univers de bicoques, de guinguettes, de chiffonniers », où se réfugiaient les couches populaires exclues du Paris intra-muros. Cette zone située derrière les anciennes « Fortifs » est maintenant l’autoroute urbaine appelée « le Périphérique ».
  • De famille modeste, enfant avide de s’instruire, il le fit en lisant tout le dictionnaire Larousse. La fréquentation des Auberges de Jeunesse sera un élément important de sa formation. L’ascenseur social fonctionnait à cette époque et, grâce à ses qualités, il deviendra inspecteur central aux PTT.
  • Le rationalisme a été une de ses qualités dominantes et explique sa passion pour l’espéranto. Il voyageait beaucoup et l’espéranto lui permettait, disait-il, des échanges avec les ouvriers russes, chinois, japonais, etc.
  • Il nous avait conté les processus logiques et associations d’idées qui lui avaient permis de retrouver, pour les PTT, les bonnes adresses d’un certain nombre de lettres égarées.
  • Il aimait les plaisanteries, les jeux de mots, les calembours et c’est lui qui nous a proposé le slogan d’une de nos premières affiches en sérigraphie : « La finance est adroite – les travailleurs Paient et SUent » PSU 20e section. Il aimait faire de gentilles taquineries, donner l’impression qu’il savait tout sur tous et toutes et c’était un peu vrai !
  • Débonnaire, bon vivant, un peu dragueur, jovial, peu d’adhérent-e-s l’auraient classé dans la catégorie « intellectuels ». Pourtant il était fort cultivé, grand lecteur de Castoriadis dont la pensée est complexe ! .
  • De même son attitude consensuelle ne laissait pas soupçonner ses opinions radicales en politique étrangère par exemple, ni son courage dans les manifestations et dans la mise en pratique personnelle de ses idées. Un exemple : Roger, inspecteur d’un bureau de poste proche de l’Opéra, trouvait stupide, irrationnel d’obliger les employés à rester dans le bureau lorsque, en fin de journée, il n’y avait plus rien à faire. Il les autorisait donc à rentrer chez eux. C’est à cause de cela qu’il fut soumis, toute une journée, à une pénible enquête de l’inspection générale de la Poste. Il en fut profondément blessé !
  • 1 C’est Michel Rocard lui-même, secrétaire national à l’époque, qui m’a raconté les faits suivants. Le siège national de la rue Borromée était gardé la nuit par un camarade qui entretenait le chauffage. Une nuit, celui-ci entend du bruit au premier étage. Il monte. Et, très vite, il est ceinturé par plusieurs gaillards et enchaîné dans les toilettes. Le lendemain ce camarade est libéré par la femme de ménage. Il n’y avait pas eu effraction. Rocard, qui avait conservé des relations dans l’appareil d’Etat, se renseigne et apprend que les individus étaient des inspecteurs des Renseignements Généraux (RG), qu’ils étaient venus par le toit pour étudier les fichiers. Il apprend que Marcellin s’était fixé l’objectif de pouvoir arrêter dans les vingt- quatre heures tous les cadres du PSU, depuis l’échelon national jusqu’à celui des grosses sections. Cela supposait que l’on connaisse, pour plus d’un millier de personnes, leurs habitudes, leurs fréquentations, les détails de leur vie privée !
  • Le PSU était classé parmi les groupes révolutionnaires dangereux et l’histoire du responsable du service d’ordre national de l’après mai 68 qui fut un temps un inspecteur des RG, infiltré, est bien connue ! Cet inspecteur avait alors une double vie et avait noué de vrais et sincères liens d’amitié avec des membres du PSU ; si bien que, lorsqu’il fut démasqué, il connut paraît-il une période dépressive. Il fut ensuite nommé, par le gouvernement PS, commissaire dans des communes de banlieue.