• D’abord pourquoi Pétain dans le titre ? Pour préparer l’agrégation de mathématiques j’ai eu la chance, en 1952, de faire partie des 5 ou 6 auditeurs libres à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm. Pour devenir enseignant il faut alors passer vers Pâques une visite médicale devant quatre médecins, pour poumons (pas de risques de contagion tuberculeuse), cœur (pas de retraite prématurée à payer), audition et vue. Pour moi, ce dernier examen sera terrible car l’ophtalmologiste me déclara froidement : « je vais vous interdire de passer le concours donc d’accéder à l’enseignement car vous n’avez pas les dixièmes d’acuité visuelle exigés ; ce n‘est pas grave, vous pourrez devenir ingénieur » C’était un décret de Pétain non aboli par De Gaulle à la Libération ! Catastrophé je cesse de travailler vigoureusement et je reçois une lettre du ministère confirmant l’interdiction de passer l’agrégation !
  • Mes amis Hennebault me conseillent d’en parler rue d’Ulm à mes professeurs ; j’en parle donc à Henri Cartan, l’un des bourbakistes connus ; il fut également un militant politique (je l’ai appris bien plus tard) ; il s’indigne, intervient au plus haut niveau et obtient une contre-expertise ; les grands ophtalmologistes se battent alors pour que les aveugles aient le droit d’exercer le maximum possible de professions ; mon cas s’insère donc dans leur lutte et 8 jours avant le concours je reçois l’autorisation officielle de passer l’agrégation et le CAPES; je suis collé à l’agrégation et reçu au CAPES me permettant de devenir professeur certifié après une année de stage auprès de trois enseignants chevronnés. Ma vie bascule donc vers l’enseignement. Merci à Monsieur Cartan, l’un de ces bourbakistes promoteurs des maths modernes qui fut le premier candidat à proposer une Europe fédérale lors d’une élection européenne !
  • Petite anecdote sur cette année à l’ENS de la rue d’Ulm. Dans les cours de préparation au concours revenaient souvent des noms dont je n’avais pas entendu parler dans ma licence de mathématiques à la Sorbonne : espaces de Hilbert ou de Banach, applications injectives… de l’hébreu pour moi parfois. Très timide et impressionné par les capacités intellectuelles de mes condisciples normaliens, je n’ai pas osé leur demander où je trouverais les références qui me manquaient ; ils l’auraient fait volontiers et sans me mépriser ! Finalement j’ai été reçu plus tard à l’agrégation sans avoir vraiment étudié les maths modernes et je les ai enseignées très vite en terminale à Saint Omer mais surtout en mathématiques spéciales au lycée Chaptal de Paris, sans formation organisée par l’éducation nationale.
  • La rubrique « Bourbaki » sur Wikipédia confirme qu’il n’y a pas de mathématicien appelé Bourbaki, que ce nom provient d’un canular des normaliens comme je l’ai appris rue d’Ulm. Les normaliens avaient organisé une « conférence volontairement incompréhensible avec des raisonnements subtilement faux » tenue par un certain Nicolas Bourbaki, barbu. On m’avait dit que les étudiants avaient cherché un clochard, qu’ils l’avaient habillé de pieds en cap et qu’ils avaient invité de hautes personnalités dont le ministre de l’Education nationale. Elles étaient toutes tombées dans le piège. Wikipédia ne confirme pas cette version ! Vraie ou fausse ??
  • Mais le plus important c’est de savoir d’où viennent les maths modernes, Elles ont été impulsées par de grands intellectuels, normaliens pour la plupart, à partir de 1935. Elles voulaient révolutionner l’enseignement des mathématiques, avec une philosophie incontestablement progressiste, de gauche ! J’essaierai dans un prochain texte d’expliquer pourquoi et aussi les raisons de leur échec relatif