Heurgon, poutre du PSU des années 60 Portrait d'un historien oublié par l'histoire
:: Par Guy Philippon, lundi 27 novembre 2006 ::
Je l’ai côtoyé de très près entre 1961 et 1968 Il était secrétaire de la fédération de Paris du PSU qui comportait plus de 2000 membres, Rocard était responsable de la formation et j’étais trésorier, poste clé pour les activités militantes,les congrès et les mandats ! La bataille des tendances fut féroce et rappelle à bien des égards les oppositions actuelles Lisez le bluff génial des GAR de Heurgon dans le bloc-note
Heurgon dans la pleine force de l’âge. Portrait de l’homme de cette période :
Il venait d'arraché de haute lutte la fédération de Pais à la sociale-démocrate Mireille Osmin en « coupant l’omelette par les 2 bouts », c’est à dire en récupérant l’essentiel des « gauchistes » favorables à l’insoumission des appelés de la guerre d'Algérie (sauf les OCI, ancêtres de notre trotskiste Parti des Travailleurs, infiltrant le PSU comme il le fera ensuite pour le PS) d’une part et d’anciens PSA (scission du parti de GUY Mollet, ancêtre duPS actuel)comme Rocard-Servet et Dubois avec qui il sentait pouvoir bâtir un axe central majoritairement durable.
Première qualité primordiale sa capacité à juger vite les qualités humaines et politiques des hommes et à savoir les fédérer dans un projet commun. A travers aussi la convivialité et la bonne bouffe (après les bureaux parisiens, vers minuit ou 1 h du matin, nous mangions à la Coupole et je me souviens de le voir griffonner sur la nappe en papier des listes de ministres où n’a jamais figuré Bérégovoy. Il faisait des portraits au vitriol, mais remarquables, de ses ennemis et parfois de ses amis ; c’était dans le privé un joyeux drille, un bon vivant, à l’opposé de Rocard ; dommage que ces portraits soient perdus.
Deuxième qualité : ses dons exceptionnels d’organisateur à long terme et aussi pour réussir des « coups » comme celui des GAR en pleine période OAS,(voir dans le commentaire), pour gagner des congrès aussi en prolongeant les commissions des résolutions dans la nuit jusqu'à épuisement des "camarades". Il parlait avec tendresse de ses « colonels » de province qui « tenaient » les régions. Il connaissait tout sur tous les adhérents, arpentait le pays jusqu’aux coins les plus reculés avec sa DS et son fichier.
Troisième qualité : ses capacités de « meneur d’hommes », en particulier avec les jeunes qui ont joué un rôle important pendant la guerre d’Algérie, à l’UNEF grand syndicat à l’époque dont presque tous les secrétaires nationaux ont du être PSU jusqu’en 1968 et le rôle des étudiants ESU précisément en mai 68. Capacités venant de son passé de chef scout, de sa passion de prof d’histoire ?
Petit ou grand défaut : une sorte de misogynie : il a toujours été mal à l’aise avec les femmes et il pouvait être brutal quand on lui résistait
Il a joué un rôle essentiel dans la grande bataille politique interne des années 60-68, soit directement, soit comme éminence grise. Les clivages n’étaient pas toujours aussi clairs qu’ils le deviennent avec le recul. Voir mon récit spécifique
Heurgon avait un mépris total pour la sociale démocratie, une sorte de fascination-répulsion pour le PC, à cause de son implantation militante, de son organisation. Il avait de la méfiance par rapport aux trotskistes trop ratiocineurs, pas assez réalistes et beaucoup de tendresse pour les cathos de gauche.
Bloc-note
L'opération GAR. Quand De Gaulle signa les accrds d'Evian mettant fin à la guerre d'Algérie, 4 généraux et un paquet de colonels organisèrent une dissidence en Algérie,par l'OAS et commencèrent à assassiner les fidèles gaullistes, les libéraux et les militants de gauche favorables à l'indépendance de l'Algérie. Des réseaux OAS réalisèrent des plasticages à Paris chez Heurgon (mais à une vieille adresse) Heurgon organisa des commandos de militants PSU qui, tous, la même nuit, couvrirent les murs de Paris de sigles GAR (groupe armés de Résistance, je crois) L'intox fut énorme et on crut à une véritable armée de l'ombe. En fait nous n'avions pas la moindre pétoire!Je l’ai c