Laboratoire d'idées et de luttes: le PSU - 2e texte
:: Par Guy Philippon, lundi 27 avril 2009 ::
4-2 Pourquoi, diable, le PSU a-t-il disparu ?
Guy mène l’enquête sur la mort,
les coupables éventuels, les complices
Cette enquête ne me semble pas inutile, pour celles et ceux qui ont vécu totalement ou en partie l’expérience PSU, mais aussi pour bien d’autres. Elle peut servir à tirer des leçons pour l’avenir, à éviter la répétition d’erreurs. Tous les témoignages seront les bienvenus pour cette enquête difficile ! Les réponses aux questions du dernier paragraphe aussi !
Coupables ? Responsables ? Innocents ?
Les tendances ? . La « violence » de leurs affrontements a découragé bien des militant(e)s, car la nature des oppositions ne leur apparaissait pas alors clairement. En fait, entre 1962, fin de la guerre d’Algérie et 1968, période où le PSU cherche son identité, ce sont deux lignes politiques et deux seulement qui se sont affrontées (autonomie ou ralliement à Mitterrand pour simplifier ; voir billet 4-3). Quant à l’après 68 on peut dire que trois lignes s’opposaient. Sur cette période complexe qui aboutit aux deux ruptures de 1972 et de 1974, voir le détail dans le billet 4-4. Soulignons que, dans le PSU, les tendances se sont toujours constituées à partir de clivages politiques et pas en clans destinés à propulser un(e) leader. Ce n’est pas vrai dans tous les partis ! D’autre part le PS n’a pas été détruit par les luttes de tendances et la mouvance trotskiste n’est pas morte de ses multiples scissions et subdivisions. A contrario, le PCF qui réprimait vigoureusement l’apparition de tendances a décliné à partir de 1981, malgré sa longue hégémonie antérieure sur la gauche. Verdict global difficile !
La bipolarisation ? Dans beaucoup de pays, la vie politique s’articule entre deux forces (centre gauche et centre droit, comme parti démocrate et parti républicain aux USA ou comme en Angleterre). Elles respectent le modèle capitaliste dominant et alternent au pouvoir. En France, depuis le Programme Commun de la gauche de 1972, et à partir du mode d’élection du président de la République, se manifeste une pression gigantesque pour aller vers ce modèle. Tout est bon pour réduire drastiquement la place des forces alternatives (qui compliquent l’échiquier politique) et aussi le travail des observateurs. La réduction du mode proportionnel pour les élections est un instrument de ce projet ! L’originalité d’un autre projet de société dérange ; il faut le marginaliser, le ridiculiser, le discréditer. Ce fut hier un réel handicap pour le PSU ; c’est un handicap aujourd’hui pour les écologistes. Verdict : bipolarité coupable !
Le désistement républicain ? Le PSU s’est toujours positionné dans la gauche. Donc, à chaque élection, il annonçait qu’au second tour il se désisterait pour le candidat de gauche le mieux placé au premier tour, y compris lorsque le désaccord était profond. Fort souvent des électeurs nous ont affirmé qu’ils ou elles étaient en accord total avec notre programme et avec notre projet de société ; mais, en même temps nous annonçaient leur intention de voter utile dès le premier tour, c’est à dire pour le ou la candidate susceptible de l’emporter, donc PS ou PC, avec parfois le désir de privilégier le moins mauvais des deux. Les Verts ont mieux affirmé leur autonomie originale, n’ont pas soutenu des candidats de gauche « détestables », cela même après la période du ni-ni d’Antoine Waechter. LCR et LO ne pratiquent presque jamais le désistement républicain. Verdict : désistement républicain responsable mais pas coupable ; le jury sera sans doute partagé !
Le Programme Commun ? Signé en 1972 entre le PS, le PC, le MRG, il allait aboutir à la victoire de Mitterrand en 1981, mais aussi aux ruptures ultérieures. Le programme n’avait rien d’autogestionnaire, ni d’écologiste. Donc le PSU ne l’a pas signé et s’est donc marginalisé dans cette période « union, action, programme commun ». Aurait-il du signer par réalisme tactique ou « opportunisme » ? Verdict : je ne regrette rien. Qu’en pensez-vous ?
La durée ? Certains historiens pensent que le PSU a manqué de temps pour asseoir son identité, son originalité. En effet les communistes ont eu derrière eux le fil d’Ariane du modèle soviétique entre 1920 et 1990. Le PC a eu le mythe et… le financement ! Ensuite cette référence est devenue négative et peut expliquer en partie le déclin communiste. Le socialisme existe depuis 1905 et le PS peut s’adosser aux modèles sociaux démocrates scandinaves. Les radicaux socialistes sont bien aidés par la franc-maçonnerie. Le PSU n’a eu que la référence ambiguë à l’autogestion yougoslave de Tito ou au mouvement libertaire. Il a néanmoins bien failli réussir la synthèse de toutes ces traditions historiques. Verdict : la durée insuffisante responsable mais pas coupable !
Les contradictions internes ? Réforme ou révolution ? L’unification en 1960 d’organisations éloignées les unes des autres a été réussie grâce à la lutte commune contre la guerre d’Algérie. Mais ce pari ambitieux n’était-il pas voué à l’échec ? On pourrait dire, en caricaturant un peu, que mai 68 et les années suivantes ont révélé le clivage caché entre « réformistes » et « révolutionnaires ». Mais le parcours ultérieur des hommes et des femmes montre combien ce clivage était simpliste. Un petit exemple pour l’expliquer : Gilles Lemaire, Alain Lipietz, Gérard Peurière étaient alors dans la tendance maoïste du PSU ; ils sont en 2009 dans trois tendances assez différentes des Verts. Verdict : acquittement au bénéfice du doute !
La politique financière du parti? dans une période où le financement par l’état des partis politiques n’existait pas ! Sortir chaque semaine le journal du PSU « Tribune Socialiste » était un atout politique : mais cela creusait les déficits car le nombre d’abonnés était trop faible et les recettes publicitaires nulles. Les grandes fêtes du parti à la Courneuve étaient remarquables à tous égards ; mais la dernière a été une catastrophe financière car une pluie violente a persisté pendant tout le week-end, réduit considérablement le nombre d’entrées et bousculé l’équilibre financier habituel. Une imprimerie, une librairie dans le local national de la rue Borromée, plus une maison d’édition Syros, c’était ambitieux pour un parti qui n’a atteint que deux fois le chiffre de 15 000 adhérents ! Verdict proposé : gestion financière responsable, mais pas coupable !
Questions
La modestie collective ? Le PSU a souvent su faire, inventer, mais il n’a pas su « faire savoir ». Pourquoi ?
Laboratoire d’idées et parti aspirant au pouvoir d’état ne sont-ils pas des options difficilement compatibles ? PS et PC ne sont-ils pas actuellement des machines électorales plus que des laboratoires intellectuels ?
Parti de luttes et parti de pouvoir ne sont-ils pas des choix incompatibles ? Le PC a longtemps tenté cette synthèse !
La structure parti n’est- elle pas dépassée ? Faut-il envisager des structures mouvementistes, des réseaux entre clubs théoriques, associations, syndicats ? Le PSU avait ébauché cette synthèse. Il resterait les questions de prise du pouvoir, de démocratie et d’efficacité dans ces réseaux multiformes.