1956-2006 : 50 années de vécu militant à plusieurs étages
Des polémiques d’hier à celles d’aujourd’hui.
Du vécu local aux événements historiques.
Des personnages modestes aux personnalités célèbres.
Aventures, affiches de mai 68, fêtes, commissariats, portraits, poésie, politique en sarabande


PSU
Honeywell-Bull en grève Le contrôle ouvrier et le policier éméché

Honeywell Bull était alors la plus grande entreprise du 20e arrondissement de Paris, avec 2400 employés. C’était une entreprise à vocation internationale dont De Gaulle avait rêvé de faire le champion mondial de l’informatique. Elle sera nationalisée en 1982 par François Mitterrand. Le siège national occupait la quasi-totalité du grand espace compris entre l’avenue Gambetta, les rues Ernest Lefèvre, du Surmelin et du groupe Manouchian. Les dirigeants entraient par la grande porte située avenue Gambetta, là où est actuellement l'entrée du rectorat ; les ingénieurs, les agents de l’entretien ou de la cantine, les employés du comité d’entreprise entraient à l’arrière par la rue du Surmelin. C'est là où régulièrement nous faisions la distribution des tracts du groupe « entreprises » du PSU. Le camarade André Q. de notre groupe « entreprises » travaillait pour le comité d’entreprise et nous avions quelques sympathisants dans la section CFDT. Il y avait une autre implantation importante de Bull rue d’Avron dans notre arrondissement. Ses 1000 salariés travaillaient pour la plupart en clientèle (commerciaux, technico-commerciaux, maintenance).

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PSU
La carte unique de 10 ans, les jeunes mariés turcs et la police

Nous sommes quatre, ce samedi de printemps : deux femmes, Anne et Blandine, et deux hommes, Carlos et moi, deux PSU et deux associatifs de l’Asti 20e. Nous collons des affiches pour exiger la carte unique de 10 ans pour les travailleurs immigrés, renouvelable automatiquement. Elle sera accordée en 1983 par Mitterrand et, aujourd’hui, abolie de fait par Sarkozy (voir détails dans le texte « Paul Oriol ou la ténacité pour imposer l’égalité des droits entre Français et Immigrés »).

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PSU
L'union est un combat - Dans la forteresse stalinienne, quelques lézardes

Le parti communiste français, depuis la fin de la guerre de 1939 jusqu’au Programme Commun signé en 1972 avec le PS de Mitterrand, sera le parti dominant de la gauche française, par ses effectifs, sa force militante, son lien étroit avec la plus grande centrale ouvrière, la CGT, et même ses résultats électoraux.

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PSU
Paul Oriol ou la ténacité à construire L’égalité des droits entre Français et Immigrés

Paul Oriol et Anne Couteau arrivent en 1972 d’Algérie où ils ont été coopérants depuis 1964 et …ils resteront dans le 20ème jusqu’en 1988. Dès leur arrivée, ils trouvent dans leur boîte à lettres une convocation de la section PSU pour l’action de résistance à l’expulsion des travailleurs africains du foyer de la rue Bisson. Paul ratera de peu l’aventure du « Commissariat de la place Gambetta qui chante l’internationale » racontée dans un autre texte.

Très vite, Paul crée le GAI (Groupe Action immigrés) de la section qui, chaque semaine, réunit chez lui 5 à 10 militant(e)s du PSU dont Antoine Glaser, actuellement rédacteur en chef de « Africa intelligence » et de « La lettre du continent », auteur de plusieurs livres sur l’Afrique, dont « Sarko en Afrique » (2006)

La section PSU soutient, en mai 1973, la grève de la faim de 56 travailleurs tunisiens. Il s’agit déjà de l’obtention de papiers pour le séjour en France. Leurs lits de camp sont installés dans la crypte de l’église de Ménilmontant grâce à l’accord du curé Pierre Loubier dont l’engagement et le rayonnement sont exceptionnels. Paul et moi, nous faisons même un jeûne de soutien pendant les 3 jours d’un week-end prolongé et participons à la joyeuse provocation qui consiste à distribuer un tract expliquant les motifs de la grève de la faim aux personnes faisant la queue place Gambetta pour voir le film « La grande bouffe » ! C’est dans cette lutte que nous rencontrons Saïd Bouziri, futur dirigeant de la Ligue des Droits de l’Homme.

A la fin de cette action est créé un Comité français-immigrés qui regroupe en plus des militants du PSU quelques militants sur l’immigration du quartier en particulier de la CFDT.

Paul, au PSU et avec le PSU, a été un partisan précoce du droit de vote des immigrés à une époque où leurs organisations le refusaient catégoriquement, y voyant un début d’intégration à la société française, alors qu’ils rêvaient de luttes et d’un retour dans leur pays.

Il a participé à toutes les campagnes en faveur du droit de vote des résidents étrangers n’appartenant pas à la communauté européenne, depuis la fin des années 80 jusqu’à « votation citoyenne » lancée par Saïd Bouziri et dont il sera l’un des piliers.

C’est à cette même époque que Paul provoque la réalisation de la grande fresque carrée, de 12 m2 environ, qui représente un CRS et un policier en train de frapper un jeune immigré bâillonné. Le dessin est de Claude Picart, longtemps secrétaire de notre section, qui a réalisé également, sur la demande de Paul et pour impression par la direction nationale du PSU, les trois affiches sur les immigrés avec un travailleur, une femme, -voir ci-dessous-, et un jeune (Faire leur place aux enfants d’immigrés). La fresque figure sur la grande affiche qui en rassemble une douzaine symbolisant les divers aspects de la vie du PSU (fêtes, luttes internationales, luttes du cadre de vie, etc.). C’est un grand moment de la vie de notre section que le défilé avec cette fresque dans une manifestation. La hauteur était telle que, pour les montants, j’ai dû boulonner bout à bout deux fois 2 tiges métalliques. L’habitude était de faire des trous dans les banderoles pour atténuer la pression exercée par le vent au cours du défilé : cette fois, pas question de faire le moindre trou. Mais, le jour de la manif, la force du vent était telle que, en plus des 2 porteurs de l’œuvre (assez lourde), il a fallu 2 rangées successives de militants à l’avant et même chose à l’arrière pour tirer sur les cordes, garder la verticalité et avancer…. et il a fallu se relayer ! Notre cortège occupait entre 20 et 30 m du défilé et les virages aux carrefours étaient laborieux !

Ce dessin orne aussi la couverture cartonnée d’un fascicule de 20 pages de la 20e section du PSU intitulé : « Travailleurs immigrés : Renseignements pratiques sur la législation » C’est l’œuvre du Groupe Action Immigrés de la 20ème section, imprimée sur notre Gestetner qui était encore installée dans mon appartement.

Nous réaliserons avec Claude Picart une autre fresque qui sera exposée devant la gare Montparnasse au moment de l’arrivée à Paris de la Marche pour l’égalité en 1983. Enchaînement parfait pour parler du travail de Paul au sein du groupe immigration du niveau national du PSU, avec entre autres, Pierrot Régnier et Gérard Desbois. Ce dernier, ancien président de la Fasti, est à l’origine de la campagne pour la « carte unique » valable 10 ans et renouvelable automatiquement pour les travailleurs immigrés. Il faut « vendre » cette idée aux diverses organisations qui soutiennent les immigrés car c’est par leur poids seulement qu’elle pourra aboutir. Et ça marche si bien, grâce à la Fasti très active dans la marche, que lorsque les animateurs de la Marche pour l’égalité sont reçus avec Georgina Dufoix à l’Elysée par François Mitterrand, que celui-ci leur demande ce qu’ils veulent et qu’ils répondent « la carte unique de 10 ans », Mitterrand leur répond « va pour la carte de 10 ans ! » Il se fera expliquer ensuite, par le père Delorme, ce que cela signifiait et la mettra en œuvre. Hélas, depuis son arrivée au pouvoir, la droite a réussi à abolir pratiquement cette avancée.



La bataille pour le droit de vote des résidents étrangers a dominé bien des années du parcours politique de Paul. Il a publié 3 livres sur la question voir la note à la fin de ce texte)*. Le lancement de « La lettre de la citoyenneté - nationalité, droit de vote des résidents étrangers » en 1992 lui doit beaucoup et notamment la revendication du droit de vote aux élections municipales et européennes pour les résidents étrangers non communautaires, alignement sur les droits des citoyens de l’Union européenne. Il y a écrit moult articles. Elle est aujourd’hui dans sa 18e année. Elle publie régulièrement des informations sur les évolutions de ces questions en Europe et dans le monde entier. Voirhttp://www.lettredelacitoyennete.org/. Elle publie chaque année, notamment grâce à l’aide de Amis de Tribune Socialiste (association des anciens du PSU), un sondage réalisé par le CSA sur l’évolution de l’opinion quant au droit de vote des résidents étrangers aux élections municipales et européennes. Depuis 2006 une majorité des sondés est favorable à cette égalité de droits. La permanence de ce sondage depuis 1994 doit beaucoup à la ténacité de Paul. Reconnu spécialiste des questions de citoyenneté et de nationalité, il a souvent été invité comme animateur aussi bien en France qu’à l’étranger, surtout en Italie.

Paul a participé à la vie politique sur bien d’autres terrains que l’immigration. C’est lui qui a trouvé le titre du journal de notre section PSU : « Les pavés de la commune » en disant que ce titre soulignait la volonté d’enracinement dans la vie de notre arrondissement (les thèmes du cadre de vie, du quotidien associatif, de l’action dans les entreprises, …) et faisait en même temps référence à la Commune de Paris, à ses dernières barricades, au mur des fédérés. Dans chaque numéro l’article que cherchaient en premier lieu les lecteurs était « Les mauvaises lectures de Polo » où Paul réunissait une série de petits billets originaux par leur humour, leur variété, leurs provocations – billets inspirés par ses lectures..

Il a lancé un club de réflexions prospectives : le « Club du Réveil », pour faire le pendant à gauche du Club de l’Horloge, ce repaire de personnages d’extrême droite qui a fourni à la droite tout un arsenal idéologique dans les années 70.

Paul, Anne, Antoine et moi avons fait le dimanche matin du porte à porte pour proposer le journal du PSU : Tribune Socialiste, dans la grande cité appelée SCIC du quartier Belleville-Ménilmontant. Le PC de l’époque faisait cela à une plus grande échelle. Anne, devenue pour les 4 ou 5 fidèles que nous avions trouvés « Madame Tribune socialiste », a continué longtemps à les visiter. Paul se souvient bien des ventes aux bouches de métro, avec des tableaux d'information et raconte volontiers l'anecdote pittoresque du représentant de commerce un peu éméché qui avait vendu pour nous, en une demi-heure, 5 ou 6 journaux alors que nous en vendions 2 ou 3 à plusieurs et en 1 heure.

L’ami Paul mérite bien ce long texte car il a été une personnalité importante de la 2Oè section comme du PSU national à travers la Commission Immigration et qu’il représente une pléiade de militants de l’ombre trop souvent méconnus.

  • Livres de Paul Oriol
"Résidents étrangers, Citoyens ! Plaidoyer pour une citoyenneté européenne de résidence."  Editions Presse Pluriel 2003

Les Immigrés devant les urnes Le droit de vote des étrangers Ciemi L'Harmattan 1992

Les immigrés métèques ou citoyens Syros 1985

Site : http://pagesperso-orange.fr/paul-oriol

Blog : http://pauloriol.over-blog.fr

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PSU
Ma chambre de la rue des Alouettes et quelques « péripéties politiques»

De 1959 à 1968, j’ai vécu dans une toute petite chambre au rez-de-chaussée d’un hôtel meublé de la rue des Alouettes, en face des studios de la télévision aujourd’hui disparus ; avec un grand lit et un tout petit lavabo.

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PSU
Rêves et Réalités LE PSU AU COEUR de 30 années de vie militante

Histoire d’un parti petit, mort trop jeune,

et grand par ce qu’il a semé,

Histoire d’idées, de luttes, d’hommes et de femmes,

Histoires de personnalités de la lumière ou de l’ombre,

connues un peu, beaucoup … pas du tout,

histoires insolites, amusantes, voire tragiques,

qui éclairent une époque,

histoires de la section du vingtième arrondissement de Paris,

histoires d’un lycée « rouge » dans l’après 68.

Quels arbres ont pris racine dans ce terreau ?

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PSU
Manifester c’est possible

Texte de la seconde partie de mon possible livre sur "Rêves et réalités: le PSU au coeur de 30 années de militantisme"

Partie:"Guerre d'Algérie, les années noires"

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PSU
Comment la non-violence peut ouvrir une brèche dans l’apathie.

Nous sommes en 1960 et l’opinion publique ne se passionne pas pour les « événements d’Algérie », terme hypocrite pour camoufler le fait qu’il s’agit bien d’une guerre.

Le PSU crie dans le silence général « Et l’Algérie ? », sur de petites affiches. Il va organiser les premières manifestations bien avant celle dramatique du métro Charonne.

Le 30 avril 1960, le MAN (mouvement pour une alternative non-violente) a brisé une première fois le silence de la grande presse en réunissant environ 2000 personnes dans une manifestation originale devant le camp d’internement de Vincennes, vaste centre de triage où le gouvernement parque des centaines de « suspects », nord-africains pour la plupart. Les manifestants restent assis devant le camp, en silence. Les policiers doivent les traîner un par un vers leurs cars. Parmi les manifestants deux membres connus du PSU : l’historien Pierre Vidal-Naquet et le mathématicien Laurent Schwartz, ainsi que la résistante Germaine Tillon. Le CPN (comité politique national du PSU) déclare ces actions comme « positives, dans la mesure où elles affirment publiquement, le plus massivement possible, la résistance à la guerre ».

Je décide de participer à l’action organisée quelques semaines plus tard, en bas des Champs Elysées, à 18 h. Je fais comme les autres et je m’assois par terre en brandissant un carton « non aux tortures » ou « paix avec l’Algérie ». La police a tiré les leçons de Vincennes et voulant éviter la présence d’une foule importante embarque dans ses cars les manifestants au fur et à mesure de leur arrivée. La consigne est de ne pas résister et de se laisser traîner. Le silence, la dignité, la non-résistance mettent les policiers dans une rage froide ; ils cassent les lunettes d’une vielle dame, déchirent la soutane d’un prêtre (les prêtres portaient encore soutane). Sur le bord du trottoir une bande de fachos nous insultent, nous traitent de pédés et menacent de nous casser la gueule. Je me demande jusqu’où nous pourrons pousser la non-violence. Mais ils n’ont pas osé le faire. Quelle belle preuve de la force morale de la non-violence !!! La police les aurait certainement laissé faire.

Comme les autres je suis pris comme un sac de patates par les bras et les jambes puis balancé dans un car. Je me souviens encore que, pendant le vol, je fus inquiet sur les conditions de l’atterrissage qui, en fait, se passa bien. On nous conduit dans le centre de tri et d’identification de Beaujon du huitième arrondissement, réservé aux « terroristes », avec barbelés et projecteurs. Les cars défilent donc dans les beaux quartiers avec derrière les grilles nos pancartes iconoclastes, contre les tortures.

A Beaujon, on sépare les hommes et les femmes et c’est le défilé devant les inspecteurs éberlués de découvrir moult officiers de la légion d’honneur, un professeur au collège de France, des « notables » ! Tous sont-ils donc devenus fous ? Comme les autres, je passe à la séance de photographie d’identité judiciaire, face et profil, comme les criminels, avec un numéro sur le ventre. Le lendemain un ami de mon lycée me dira que, à côté de lui, il avait remarqué un quidam possédant un passeport diplomatique et, curieux, avait découvert qu’il s’agissait de Pierre Joxe futur ministre de l'intérieur mais surtout fils du ministre du général De Gaulle qui plus tard allait négocier les accords d’Evian avec le FLN algérien. Emoi dans les hautes sphères évidemment et on vient proposer à Pierre Joxe de le libérer et il refuse !

Dans ma cellule un rassemblement hétéroclite de professions et d’engagements politiques et une nuit passionnante de discussion qui fascina les flics chargés de surveiller ces dangereux révolutionnaires.

On nous libéra par petits groupes à 5 heures du matin, à 20 km pou certains, et pour mon groupe dans le bois de Boulogne le plus loin possible d’un métro ! Petite punition fort mesquine !

« Il fallait des précurseurs ! » écrit Marc Heurgon dans son Histoire du PSU.