• La génération du « baby-boom » des naissances de la fin de la guerre de 1940 arrive à l’âge adulte. Dans les universités les étudiants sont passés de 250 000 en 1960 à 500 000 en 1968 et refusent les projets de sélection.
  • L’autorité et la discipline règnent dans tous les secteurs de la société : l’usine (ses patrons caricaturaux et ses « petits chefs »), l’école avec les cours magistraux, la famille et la domination masculine, la morale, la religion et les interdits sexuels, la politique aussi bien dans le gaullisme que au PCF.
  • La croissance des « 30 glorieuses » bouleverse les structures de production dans l‘agriculture comme dans l’industrie. La hausse du pouvoir d’achat qui donne naissance à la « société de consommation » dont les « enragés » de Mai dénoncent les pièges, la démographie qui change les rapports de forces entre classe d’âge partout, bouleversent les structures et les mentalités de toutes les classes sociales qui se complexifient.
  • Un grand sociologue du PSU, Serge Mallet, dès 1962, dans son livre « Les paysans contre le passé », explique les ruptures à l’intérieur de monde agricole, travaille avec Bernard Lambert à la naissance des « paysans travailleurs », ancêtres de la Confédération Paysanne. Et 1967 connut des luttes paysannes violentes.
  • Le même Mallet déclenche en 1963, dans le PSU, une virulente polémique avec les marxistes orthodoxes par sa théorie de « La nouvelle classe ouvrière ». Les ouvriers de l’aéronautique, de la chimie, du pétrole, de l’électronique, des Machines Bull (qui employait plus de 3000 travailleurs informaticiens avenue Gambetta et rue d’Avron) sont fort différents des sidérurgistes, des mineurs et des travailleurs de chaînes automobiles ou du bâtiment. C’est l’explication du réel antagonisme de mai 68 entre les grévistes CGT et les grévistes CFDT, revendications quantitatives de salaires contre revendications qualitatives de dignité, de pouvoir ouvrier, de changement de vie, entre générations aussi. Les grèves se prolongeront davantage dans les entreprises de la « nouvelle classe ouvrière ».
  • La mécanisation et la parcellisation__ont créé « une nouvelle race d’hommes-machines, aux gestes perpétuels, soumis à une discipline de fer, les OS ». Des luttes violentes avec occupation d’usines et séquestration des patrons ont eu lieu avant Mai ; en janvier et février 68, au Mans et à Caen, les ouvriers ont dressé des barricades et attaqué les CRS
  • Le développement des moyens de communication et de circulation réduit considérablement les distances sur la planète. Les informations sur des pays éloignés arrivent quasi immédiatement par la radio voire la télé à de larges masses. Le rôle des transistors est bien connu pour la France de Mai ! Les événements internationaux qui ont mis le feu à la planète entière en 1968 (ou avant) pèseront sur le « joli mois de mai » : la Hongrie et le printemps de Prague pour le monde communiste, le mouvement hippie et la lutte contre la guerre du Vietnam pour les Etats Unis, les JO de Mexico, etc.

Pour que l’incendie se développe aussi rapidement et touche une partie importante de la France, les étudiants et les ouvriers, les artistes et les employés, etc. il faut que soient réunis de multiples ingrédients ainsi que des solidarités nouvelles. Une citation : « Ce sont les difficultés nées d’une expansion rapide qui défait les structures traditionnelles et se répercute de manière inégale dans la société française »