Il se proclame le parti de la Résistance à l’occupant nazi, le « parti des fusillés » et certains réseaux ont même conservé des armes. En fait, le parti en tant que tel ne s’est engagé dans la Résistance qu’à la suite de l’invasion de l’URSS par les Allemands en juin 1941. Il y avait eu également (et avant) des Résistants gaullistes, socialistes, etc. Il devient le grand parti de la classe ouvrière avec presque un million d’adhérents (800.000 adhérents déclarés fin 1946). Ses cadres politiques ont été formés dans la Résistance. C’est un véritable parti « de classe et de masse ». Il obtient des ministres dans le gouvernement De Gaulle, fait élire de nombreux députés ; il obtient alors 28,6 % aux élections législatives d’octobre 1946 (162 députés). Un exemple de la force du PCF : bien plus tard, à l’élection présidentielle de 1969, Jacques Duclos obtiendra 21,27% des voix, très près des 23,31% de Alain Poher, pour la seconde place. Duclos a donc failli affronter Georges Pompidou au second tour de la présidentielle !

Plus important, le PC conquiert, dans sa grande période, de nombreuses municipalités surtout dans les « banlieues rouges » mais aussi de grandes villes comme Le Havre, Reims, Nîmes. C’est le début du communisme municipal. Le PCF crée dans ses communes une véritable société parallèle, assume efficacement tous les aspects de la vie : logement (avec un urbanisme souvent inspiré par la grandiloquence stalinienne), culture, santé, social, prévention et sécurité, économie locale, solidarités de toutes natures, chaleur des relations humaines via ses cellules de quartier. Les porte à porte, la tenue régulière de points de vente de l’Huma dimanche, les grandes fêtes annuelles à la Courneuve, assurent un contact proche avec la population. On parle parfois d’un parti-église, tellement les parallèles avec les communautés religieuses sont nombreux par les liens sentimentaux et aussi par le culte de la personnalité, la véritable « vénération » pour le chef (Staline, Thorez). Beaucoup de ces villes resteront donc tout naturellement des bastions communistes lorsque le PC déclinera car leurs maires furent souvent de bons gestionnaires, accessibles, modestes.

La CGT est sa courroie de transmission avec le monde de l’entreprise (des responsables siègent simultanément dans les instances dirigeantes de la CGT et du PC, y compris au niveau national)..

Des intellectuels en très grand nombre sont alors adhérents du PCF comme Aragon ou compagnons de route comme Sartre.

Il a fortement mobilisé ses militants contre la guerre d’Indochine, en particulier pour soutenir entre1950 et 1953 son militant emprisonné Henri Martin. Il est vrai que cette guerre opposait la France à un mouvement communiste (le Viet-Minh). Nous verrons les différences d’attitude à propos de la guerre d’Algérie dans la partie qui lui sera consacrée.

Mais cette période comporte aussi des ferments de faiblesse

  • Il ne faut pas oublier que le PCF a soutenu le pacte germano-soviétique (1939). Un tiers des députés communistes a d’ailleurs quitté le parti à ce moment là. Il a même obtenu des Allemands la reparution de son journal l’Humanité en acceptant qu’il soit censuré ; le maréchal Pétain mettra son veto et l’Humanité restera interdite jusqu’à la Libération. L’alignement de la direction du parti sur l’URSS jusqu’en juin 1941 n’est pas oublié par les résistants de la première heure.
  • La direction dominée dans l’après-guerre par Maurice Thorez et Jacques Duclos accepte mal le poids dans le parti des cadres de la résistance qui ont une forte personnalité, comme le libérateur de Limoges Georges Guingouin qu’elle exclut en 1952 malgré l’opposition de sa cellule. Sont de même exclus du bureau politique en décembre 1952 Charles Tillon, le chef des FTP, et André Marty, le célèbre mutin de la mer Noire pendant la révolution soviétique.
  • L’écrasement par l’armée soviétique de l’insurrection populaire de Hongrie en 1956 est soutenu par le parti communiste français. Ce soutien provoque la démission d’un certain nombre de militants dont Edgar Morin.
  • Dans les années 50, un certain nombre de militants du PC quittent le parti pour rejoindre des groupes maoïstes « marxistes-léninistes ». D’autres, derrière « Tribune du communisme », rejoignent le PSU en 1960.
  • Le rapport Khrouchtchev sur la déstalinisation, publié par le Monde en mars 1956, est longtemps caché aux militants du parti. Maurice Thorez n'utilise jamais que l'expression « rapport attribué au camarade Khrouchtchev » pour s'abstenir de mettre en œuvre la déstalinisation au sein du PCF. Le PC italien, par contre, s'éloigne fortement de l’URSS, ce qui conduit à la création parmi les étudiants communistes français d’un groupe dit « italien ». Tout cela perturbe un peu la base, comme la publication d’un certain nombre de livres dont, en 1962, « La journée d’Ivan Denissovitch » d’Alexandre Soljenitsyne sur les conditions de vie dans un travail de camp forcé d’URSS, ce que lui-même a vécu pendant 9 ans. « L’archipel du goulag » sera publié bien plus tard.

Le PCF est alors totalement inféodé à l’URSS. Il est régi officiellement par le centralisme démocratique dans lequel toutes les décisions viennent du sommet, le bureau politique. Toute contestation de la ligne se traduit par un procès devant la cellule de base, l’exclusion du parti mais aussi du noyau social dans lequel l’exclu continue à vivre. Cela est terrible car tous les aspects de la vie locale sont sous contrôle du parti! Les cadres de la Résistance qui, pour survivre, ont été obligés d’avoir une pensée autonome, libre, deviennent peu à peu suspects pour les bureaucrates politiciens du bureau national et seront mis sur la touche, voire exclus avec des méthodes scandaleuses. Le droit de tendance est formellement interdit et les opposants à la ligne officielle sont obligés de rester clandestins.

Ces « faiblesses démocratiques », et aussi l’inféodation à l’URSS se retrouveront dans l’attitude du PCF lors du mouvement de Mai 1968.

L’union est un combat.

Les rapports entre le PSU et le PC ont toujours été un cocktail de divergences explosives et d’alliances conjoncturelles. Nous verrons les oppositions dans la partie « Guerre d’Algérie : les années noires » symbolisées par l’opposition des slogans : « Paix avec l’Algérie » du PSU et : « Paix en Algérie » du PCF, dans la partie sur « Mai 68, LIP et l’autogestion », sur le « Produisons français » du PCF, et dans la partie sur la section PSU du 20e arrondissement. Mais il y a eu également des alliances plus ou moins conflictuelles dans des luttes, et longtemps des alliances électorales pour conquérir et gérer des villes, en opposition aux socialistes et aux divers partis du centre ou de la droite. Ce fut le cas en particulier pour 3 grandes villes : Le Havre, Nîmes et Reims, avec des maires communistes. Dans ces 3 villes, lorsque le PC signera le Programme commun avec le PS et les radicaux de gauche, sans la participation du PSU, il devra être en cohérence avec la ligne nationale dans les municipalités. Pour faire de la place à ses nouveaux alliés il réduira le nombre des maires adjoints PSU et, en compensation, dans ces 3 villes au moins, embauchera dans les services municipaux des membres du PSU. C’est ainsi que notre ami Jean B., qui fut, très jeune, adhérent de la section PSU du 20e, s’est retrouvé en charge à Nîmes des relations avec les immigrés. Il a été si sérieux que, lorsque le maire communiste Jourdan a été battu par Cacharel, celui-ci a conservé Jean pendant un certain temps. C’est le début pour Jean d’une grande carrière dans la fonction publique territoriale. Nous retrouverons Jean dans le récit sur le montage audiovisuel réalisé par notre section PSU de l’arrondissement : « Des pierres, des hommes, des luttes ».

Certains affirment que Roland Leroy a, au début des années 70, soulevé dans une séance du bureau politique du PCF le problème du choix entre l’alliance avec le PS et l’alliance avec les « gauchistes » du PSU. Le PC a alors pensé « plumer facilement la volaille socialiste » qui, effectivement n’était guère vigoureuse à l’époque. Il a sous-estimé l’habileté de François Mitterrand. Ce n’était peut-être pas « le bon choix » pour reprendre la célèbre formule de Valéry Giscard d’Estaing ? On ne peut réécrire l’histoire. Les historiens trouveront-ils la trace de ce débat entre les dirigeants du PC ?