• 1 – la génération des résistant/es de la guerre de 1939 qui avaient risqué leurs vies.
  • Joies d’une société parallèle qui a ses propres lois, ses codes, ses moments forts (succès ou replis, incidents comiques, fêtes, etc.) sans oublier les grandes inquiétudes, les pertes et quelques trahisons. Vie dangereuse mais intense, solidarités et relative unité - Espoirs de la libération du pays et d’un gouvernement tripartite : gaullistes, communistes et socialistes adossé au programme du « comité national de la résistance.
  • Déceptions de la fracture de l’unité due à la guerre froide, avec manifestations très violentes (les militants communistes ont cru un moment que la révolution était proche et qu’ils allaient prendre le pouvoir !)
  • 2 – les générations de communistes entre la guerre et le programme commun de 1972 et le communisme municipal
  • Joies d’une contre société avec ses solidarités fortes, des cellules efficaces, de bons résultats électoraux et les rêves entretenus par le modèle soviétique sans oublier les fêtes de l’Huma à la Courneuve.
  • Déceptions : le rapport Kroutchev qui dénonce le stalinisme, le printemps de Prague de 1968 cassé par les chars soviétiques, les événements de Hongrie (idem) et les ambiguïtés du PCF en mai 1968.

Je n’ai connu cette génération que par mes collègues du lycée Chaptal, fort divers et par les militants du 20éme arrondissement où le PCF était la force hégémonique de la gauche (2 députés sur 2 un moment). Le PSU était ici la deuxième force politique et militante ; la bataille était féroce sur l’affichage et parfois électoralement (il faudra que je raconte).

  • 3 – la génération de celles et ceux qui ont lutté pour l’indépendance de l’Algérie.
  • Joies de la victoire avec la paix de1962 après notre isolement très minoritaire auparavant, grâce à la lucidité tardive du général De Gaulle. Joie du rassemblement PSU, grâce à cette lutte commune, de militants socialistes, communistes, chrétiens ou francs-maçons en rupture avec leurs « églises » que tout séparait théoriquement.
  • Déceptions : le « sauveur » De Gaulle se maintient au pouvoir, développe le nombre de centrales nucléaires ; lance au Sahara une bombe atomique française, puis d’autres en Polynésie. Il bâtit un système présidentiel néfaste ; l’Algérie abandonne vite ses tentatives autogestionnaires et passe sous la domination de son armée. Enfin le PSU doit se définir une nouvelle identité, autour de l’écologie qu’il appelle « cadre de vie », du « décoloniser la province », de l’autogestion et du contrôle ouvrier. Il tâtonne et se divise en tendances.
  • 4 – la génération de mai 68 et de la plus grande grève générale de notre histoire.
  • Joies des dialogues passionnés dans des rues sans voitures, les lycées, les entreprises, joies des rêves échangés, des innovations inimaginables, de la respiration après des décennies d’autoritarisme dans tous les domaines : sexualité, religion, entreprises, écoles, politique (affiche « Bêle et tais-toi » avec De Gaulle brandissant un bâton)
  • Déceptions : la révolution ne redevient pas envisageable et les soixante-huitard/es se disputent entre trotskistes de plusieurs boutiques, maoïstes, libertaires et même à l’intérieur du PSU. Les espoirs autogestionnaires initiés par la lutte des Lip sont balayés par Giscard et par le Programme commun de gouvernement signé par les socialistes, les communistes et les radicaux sous l’égide de Mitterrand. La mode devient « Union, action, programme commun ». La voie électorale et unitaire l’emporte sur la manifestation et le rêve alternatif ! le passage au PS des « rocardiens » et d’un bon nombre de cadres ou de militant/es CFDT en 1974 affaiblit le PSU. L’hégémonie communiste à gauche commence à être remplacée par une hégémonie socialiste !
  • 5 – la génération « Mitterrand » qui voit enfin la gauche au pouvoir
  • Joies:celle de la victoire et espoirs de celles et ceux qui croient au « changer la vie » par les élu/es plus qu’aux militant/es associatifs ou politiques – l’abolition de la peine de mort
  • Déceptions : le tournant de la » rigueur » de 1993 ; la difficulté des rassemblements alternatifs ou écologiques
  • 6 La génération écologiste ?
  • Joies: la progression de la prise de conscience des impératifs écologistes divers
  • Déceptions: la lenteur des traductions politiques et le fait que EELV est remis par la masse des citoyen/nes dans le vivier des partis classiques.

Ces récits un peu sommaires témoignent d’un bouleversement global de civilisation. Je pense que nous sommes dans une période fascinante : celle d’un changement profond de société. Le nouveau monde grignote peu à peu le vieux monde qui se défend. Cette bataille nous donne un sentiment d’insécurité. C’est la bataille de notre avenir. Deux avenirs me semblent possibles, à moi mais surtout à certains philosophes : une société écologiste, alternative, fondée sur les solidarités et les sobriétés heureuses, libertaire sur le plan sociétal ou société autoritaire d’un libéralisme féroce fondée sur les individualismes ?

Voilà de quoi mobiliser une nouvelle génération.