• Ma mère était une paysanne, mon père commerçant de vin « en gros » ; il vendait aux paysans creusois des tonneaux de vin. Je fais donc partie de la petite bourgeoisie. Dans les années des 3ème et 4ème Républiques qui vont de 1882 à 1975 les fils et filles de paysans ou d’ouvriers pouvaient, à la sortie de l’école primaire, soit entrer dans le monde du travail (l’obligation scolaire allait en effet seulement de 6 à 14 ans et n’a été portée jusqu’à 16 ans qu’en janvier 1959 par De Gaulle) -, soit aller dans des Ecoles Primaires Supérieures (EPS) remplacées en 1959 par des « Cours Complémentaires ». Les meilleur/es pouvaient devenir instituteurs ou institutrices ; d’autres devenaient facteurs ou policiers mais la masse des jeunes de ma commune restait paysanne et même les bons élèves! Les fils-filles d’enseignants, de médecins, d’ingénieurs, de fonctionnaires allaient au lycée et la reproduction des classes sociales fonctionnait bien, avec quelques exemples de promotion sociale.
  • C’est en juillet 1975 que le ministre René Haby crée le « collège pour tous » devenu ensuite « collège unique » pour que toutes et tous, quelle que soit leur classe sociale aient droit au même enseignement, et pour mélanger les classes sociales comme le faisait le service militaire ! Haby n’était pas de gauche mais centriste, ministre de Giscard d’Estaing (n’est ce pas Monsieur Bayrou !) La démocratisation de l’enseignement a fait que les enfants des classes « dominantes » se sont retrouvés avec un nombre certain d’enfants des classes « dominées » qui faisaent baisser le niveau prétendait t-on! C’était inacceptable pou les « dominants» et des parades ont été trouvées à partir d’innovations par ailleurs intéressantes : les « classes européennes » ou celles à options par exemple latin et allemand. Cela fonctionne bien : ce sont des classes « élitistes » avec pratiquement pas de fils-filles d’ouvriers ou de paysans ; mais des enfants d’enseignant/es qui connaissent le « truc » ; ces classes sont l’apanage des classes dominantes ! Dans une démocratie apaisée il eut été normal que se retrouvent des élu/es de gauche et de droite ou du centre pour chercher ensemble comment concilier la philosophie du « collège pour tous » et les difficultés gigantesques du vivre ensemble dans beaucoup de collèges de banlieue mais aussi de la France rurale. Bayrou dit qu'au lieu de supprimer les îlots élitistes il faudrait les généraliser et les ouvrir à toutes les classe sociales ; mais il se garde bien d’évoquer comment cela est possible : Comment persuader les enfants des cités en rupture de préférer le latin ou l’allemand au slam et… les enfants du seizième que les maghrébins peuvent être aussi brillants qu’eux? Bayrou propose t-il que ces classes élitistes soient astreintes à accueillir un quota minimum d’enfants pauvres ou d’origine immigrée comme le fit Sciences Pô pour les enfants de banlieue. Alors dites-le Monsieur !
  • La petite dose d’autonomie prévue pour les collèges est fortement critiquée. Elle ferait que les acquis ne seraient plus les mêmes partout. Mais cette unité est déjà en ce moment complétement brisée et puis il est ridicule de vouloir aborder les mêmes thèmes et de la même façon avec un enfant d’intellectuel et un enfant qui découvre la langue française ; il faut au moins changer les angles d’approche et les durées nécessaires. Cela ne veut pas dire que certain/nes ne peuvent pas aborder des questions subtiles, complexes, abstraites ; les enfants en grande difficulté n’en sont-ils pas capables parce que complexité, subtilité sont précisément au cœur de leurs difficultés et des solutions possibles ?
  • La réforme proposée n’est certainement pas parfaite ; ce n’est pas la solution finale des problèmes. Mais elle porte une vision de gauche, vise à l’égalité des chances entre enfants pauvres et enfants nés dans des familles plus ou moins favorisées. La droite monte à l’assaut ; c’est logique et Monsieur Bayrou, vous qui avez été enseignant, ministre de l’Education nationale vous devez bien connaître tout ce que je dis et vous faites sciemment le choix de la droite conservatrice, sans aucune nuance ! Vous prétendez que la France ne pourra être sauvée que par un gouvernement rassemblant des gens de la droite modérée, de la gauche réformatrice, du centre bien entendu et agir systématiquement pour préparer cela. Alors là c’est raté, complètement raté, sur un domaine essentiel pour l’avenir et idéologiquement ! Vous avez choisi le camp de la droite conservatrice !