1956-2006 : 50 années de vécu militant à plusieurs étages
Des polémiques d’hier à celles d’aujourd’hui.
Du vécu local aux événements historiques.
Des personnages modestes aux personnalités célèbres.
Aventures, affiches de mai 68, fêtes, commissariats, portraits, poésie, politique en sarabande


divers
Quarante cinquième texte : L’habit vert

* Sophie : Comment a évolué ton opinion sur les Verts ?

* Guy : En 1993 ou 1994, l’AREV 20 organise avec les Verts 20 un débat public sur l’ensemble des problèmes fondamentaux, et j’apprécie la qualité de leurs interventions. C’est en 1993 seulement que les Verts ont abandonné le ni-ni de Antoine Waechter (ni droite, ni gauche), donc nous avons des inquiétudes sur leur positionnement dans l’éventail politique ! Et arrive la campagne présidentielle de 1995 où Dominique Voynet est soutenue par l’AREV et la CAP avec ses Rénovateurs communistes. Nous faisons campagne ensemble et je découvre les militants Verts, dont un personnage étonnant.

  • Joël est un écologiste passionné qui s’efforce de vivre à la hauteur de ses convictions. Pour protéger les forêts et économiser le papier, il envoie comme secrétaire des convocations tassées sur un ruban de papier de un cm de large. Pour économiser le temps ? il parle très vite et multiplie les parenthèses de parenthèses ; il colle les affiches en courant ! Fascinant ! Mais deux personnages vont dominer pour les Verts cette époque dans l’arrondissement puis le groupe Vert de Paris et ils sont maintenant connus à l’échelle nationale. Ils deviendront des amis.
  • Martine Billard est entrée en politique dans la LCR qu’elle a quittée pour l’Organisation Communiste Révolution, OCI, puis l’OCT. Elle a alors été « établie » en usine, pour y porter la parole révolutionnaire ; elle est partie en Amérique du Sud lutter avec les révolutionnaires. De retour en France, elle adhère aux Verts 20 ? Elle sera tête de liste pour les municipales de 1995 et devient Conseillère de Paris, puis députée, pour deux mandatures, dans la circonscription des 4 arrondissements du centre de Paris, où le PS soutient les Verts. Enfin, elle rejoint le Parti de Gauche de Mélenchon où elle sera un temps coprésidente ! On peut penser qu’elle a joué un rôle dans la conversion à l’écologie de Mélenchon. Elle est secrétaire nationale à l’écologie dans le Parti de Gauche.
  • Elle est venue passer quelques jours dans ma maison creusoise ; j’ai assisté à son mariage avec l’ami Jean-Pierre Lemaire que j’ai connu au PSU, puis à l’AREV. C’est d’ailleurs lui qui était le leader du groupe qui a quitté l’AREV pour les Verts.
  • Denis Baupin a été reçu à l’école Centrale de Paris, donc il est ingénieur. Il est objecteur de conscience au moment du service militaire, puis directeur de Terre des hommes, expert pour le groupe Vert du parlement européen. Ensuite il devient collaborateur de Dominique Voynet à divers postes. Il est, comme je te l’ai raconté élu du vingtième arrondissement en 1995, puis conseiller de Paris en 2001 et adjoint de Delanoé, en charge des transports.
  • On peut dire qu’il est vraiment le père du premier tramway T3 sur le boulevard des Maréchaux, du Vélib, de Paris plage, des noctiliens, des mobiliens qui ont visé à rendre plus rapides les trajets des bus de Paris, père également de la Traverse de Charonne, premier petit bus de quartier. Comme il ne cache pas sa volonté de réduire la place de la voiture dans Paris pour réduire la pollution, on l’appelle le « khmer vert » et dans le 20e nous aurons à assumer les hostilités violentes des probagnoles, en particulier pour le bus 96.

* Sophie : Dis-donc ; tu es en train de faire un éloge dithyrambique de Baupin ! Que penses-tu des accusations de violences contre plusieurs femmes ?

* Guy : Je n’ai rien vu de ces violences, je n’ai même pas soupçonné les harcèlements. Certes j’ai été étonné par ses fréquents changements de partenaires féminines. J’en ai connu trois ; mais il est resté assez longtemps avec chacune d’entre elles, plusieurs mois et elles ont plutôt été affectées par la rupture. L’une d’elles l’a même expulsé en coupant ses cravates, quand elle a découvert son côté volage.

  • Je ne saurais excuser Denis pour son comportement vis à vis des femmes, dans l’absolu et, plus grave, comme détenteur d'un "pouvoir ! Mais je ne peux oublier tout ce qu’il a apporté aux Verts et même au pays, y compris comme député dans la lutte contre le nucléaire et pour une réelle transition écologique .
  • D’ailleurs 2001 a marqué une injustice à son égard. Il a été tête de liste pour les Verts Paris, face à Delanoé. Ce dernier a réussi à se présenter comme le père du tramway, des Vélibs, etc. et à faire paraître Baupin comme le responsable des embouteillages ! Certes Delanoé avait soutenu Denis, y compris parfois contre ses amis socialistes ; mais il savait très bien quelle importance avait eu Denis !
  • Il faut peut-être que je mentionne les livres qu’il a écrits «Tout voiture, no future », « La planète brûle, où sont les politiques ? », « La révolution énergétique, une chance pour sortir de la crise ». Mentionnons encore sa création de « Agir pour l’environnement », mais aussi, sur le plan politique mon désaccord avec lui sur la participation au gouvernement de Valls.
  • Sa carrière politique est finie. Quel gâchis ! Souhaitons, quelle que soit l'issue juridique, que l'action courageuse des femmes écologistes concernées contribue à dénoncer, haut et fort, au delà de Denis, l'attitude de nombreux hommes, politiques ou autres, vis à vis des femmes
  • Ces deux amis ont quitté EELV, mais restent écolos !


* Sophie : Quelle place prenez-vous dans le groupe local des Verts, toi et tes camarades de l’AREV

* Guy : Très vite, une grande place ! D’abord, ils et elles sont moins nombreux que nous le pensions et la comparaison numérique ne nous est pas vraiment défavorable. De plus, après l’adhésion, nous nous sentirons tout à fait à l’aise dans la sensibilité de Martine Billard. Ce groupe-là sera très longtemps la plus forte minorité. Notre camarade Serge Rivret deviendra vite secrétaire du groupe, pour deux mandats, donc plus de deux ans ; je lui succéderai pour 18 mois et serai remplacé par un ami de notre sensibilité.

  • Les divergences avec la tendance de Denis Baupin seront nettes ; mais entre les deux sensibilités il y aura un vrai respect, voire de l’amitié. Les tensions ne seront fortes que lors des votes locaux, donc normales et pas destructrices !
  • Les rapports avec Martine, Denis et aussi les militants verts étaient, avant 1998 bons, conviviaux. Serge, collaborateur de Martine à l’Hôtel de Ville poussait à l’abandon de l’AREV pour les Verts. Mais d’autres voulaient rester fidèles à l’AREV et Lara Winter était fermement contre. Je temporisais pour qu’il y ait une décision quasiment unanime.
  • L’occasion se présente en janvier 1998. En effet trois groupes politiques vont rejoindre simultanément les Verts. Ce sont : la totalité de CES (convergence écologie solidarité) de Noël Mamère, une minorité de l’AREV et une partie de la CAP. Tout notre groupe AREV 20 rejoint les Verts sauf Lara. Je serai même membre du CNIR (le parlement national des Verts, pour une mandature), car nous avons amené plus de 10 personnes ! Je m’y ennuierai !
  • L’intégration se fera sans difficulté et les Verts prendront la place de l’AREV dans l’utilisation du local la Teinturerie, rue de la Chine. J’écrirai dans le dernier numéro des Pavés de la Commune un édito intitulé « Continuité » !

* Sophie : Tu m’as surtout parlé du début de la mandature. Comment tout s’installe dans la durée ?

* Guy : Les conseils d’arrondissement ont souvent été peu passionnants. Y défilent à grande vitesse une quantité de votes sur des délibérations très techniques que nous n’avons eu que la veille et qui, souvent ne font pas débat. Les vrais débats politiques ont été fort rares et je ne suis vraiment intervenu qu’une fois, à propos de la guerre d’Algérie. Je raconte alors que le gouvernement ne voulait pas parler de guerre, disait « Evènements d’Algérie ». Je parle des tortures et de la rupture à ce sujet du général Paris de la Bollardière (elle lui vaudra soixante jours d’arrêt de forteresse). Je déclenche la colère de l’ancien maire Bariani qui a dû être « Algérie française » et je suis soutenu par un gaulliste, plus que par mes camarades socialistes.

  • Comme militant, j’étais critique sur les diverses décorations. Mais je découvre à quel point la réception de la médaille du travail, au moment de la retraite, est importante pour les gens de condition modeste. Car c’est le moment où la société reconnaît qu’ils ou elles ont joué un rôle social, que leur vie a été utile ! Leur émotion était extraordinaire, contagieuse, pour l’élu qui remettait la médaille !
  • Il me vient à l’esprit une autre activité de l’époque que j’ai assumée en tant qu’élu. Nommé par le maire, j’allais chaque lundi matin siéger dans une commission du CASVP (centre d’action sociale de la ville de paris) de la rue du Surmelin. Il s’agissait de ne pas laisser seules les personnes nommées par la droite, pour attribuer des aides aux plus défavorisé, en grande détresse.
  • Une assistante sociale présentait les dossiers. J’étais avec 5 ou 6 hommes de droite. L’un d’entre eux poussait vraiment à la générosité pour les démunis, par convictions ou par paternalisme ? Les autres le taquinaient en disant qu’il voulait copier Monseigneur Gaillot, connu pour son activisme dans le DAL (droit au logement). Ils auraient pu le comparer à l’abbé Pierre ; mais un évêque, c’est mieux ! Nos aides ne pouvaient qu’être modestes, et les tris étaient dramatiques pour moi ! .
  • Puisque je parle du DAL, il est né dans notre arrondissement. Nous avons soutenu, en 1990, la lutte de 48 familles avec enfants, expulsées de leur squat, qui ont campé quatre mois, place de la Réunion. Nous avons alors noué des liens amicaux avec « Babar », alias Jean-Baptiste Eyraud. Celui-ci rompt avec le Comité des mal-logés et crée le DAL qui occupera un immeuble au quartier latin et sera soutenu par nombre de personnalités dont Galliot et l’Abbé Pierre. Il est maintenant bien connu.
  • Il faut que je te parle d’une réussite de notre Conseil de quartier Plaine. Le maire Charzat décide qu’il veut faire du Cours de Vincennes les Champs Elysées de l’est parisien. Donc notre conseil multiplie les réunions de sa commission cadre de vie. Mon camarade gaulliste mobilise sa fille et une amie de celle-ci, urbanistes et architectes.
  • L’arrivée de la rue des Pyrénées sur le Cours est beaucoup trop large et dangereuse pour les piétons. Le Cours est beaucoup trop asphyxié par les voitures en stationnement. L’esplanade côté 20e devrait être végétalisée. Enfin nous souhaitons que le bus 26 ne termine pas son trajet à côté du lycée Hélène Boucher mais aille jusqu’à la place de la Nation. Le couloir de bus nécessaire réduira un peu la circulation sur le Cours. Les deux jeunes femmes nous produisent un long fascicule visualisant nos ambitieux projets, en couleurs, un petit cahier bien lisible.
  • Michel Charzat obtient une réunion à l’Hôtel de Ville sur son projet. Il n’a pas de propositions détaillées et nous sommes invités. Notre projet visualisé par le fascicule impressionne les techniciens. Je ne sais pas si les décisions sont prises par cette équipe de droite ou par Delanoé quand il devient maire de Paris. Mais l’état actuel satisfait à l’essentiel e nos demandes. L’arrivée de la rue des Pyrénées est devenue raisonnable grâce à la création d’une placette ; le bus 26 va enfin jusqu’à la place de la Nation ; le stationnement a été réduit, sans que les commerçants montent au créneau ; l’esplanade est un peu plus végétalisée.
  • Je t’ai parlé de notre présence dans les associations de luttes. Il faudrait ajouter que je suis allé assez souvent assister aux réunions du comité 19-20 de AC ! (Agir contre le chômage) que je trouvais trop théoriques et pas assez dans les actions concrètes. J’y retrouvais de vieux amis du PSU, et aussi Paul et Micheline de TAC (tribune anarchiste communiste) que j’ai beaucoup côtoyé rue de la Chine où ils avaient eux aussi leur off-set !
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Quarante quatrième texte : De Nixon aux années Jospin

* Sophie : Comment analyses-tu le maire de l’époque : Michel Charzat ? Quelles étaient tes relations avec lui, et celles de tes camarades ?

* Guy : C’est un personnage complexe. C’est un intellectuel, un homme cultivé et pas seulement sur le plan politique et économique, mais aussi sur le plan culturel, sur l’art. Très vite, après son adhésion au PS en 1968, il devient l’un des théoriciens du CERES de Jean-Pierre Chevènement (et l’un de ses fidèles). Mais il ne suivra pas Chevènement quand celui-ci quittera le PS.

  • C’est un bourgeois et ce n’est pas un hasard s’il habite le seizième et qu’il y est resté, alors qu’il savait bien que c’est un handicap que ses adversaires utilisent. Ce n’est pas un mari fidèle. Je le croyais hautin, méprisant et, en visitant avec lui le quartier Plaine, j’ai découvert que c’était un timide ; ce qui n’efface pas le fait qu’il soit conscient de sa valeur ! Il a su laisser de la liberté à ses adjoints, y compris à l’écolo Fabienne Giboudeaux, par exemple pour l’écoquartier Fréquel Fontarabie.
  • Michel Charzat s’ennuyait fort dans les débats, souvent terre à terre, des conseils de quartier. Il ne se réveillait vraiment que lorsque la grande politique passait le bout de son nez. Pourtant il a bâti son image sur la démocratie participative ! Il a été virulent, féroce contre les rocardiens de son parti ; tellement que l’un de ses élus : Alain Riou a fini par rejoindre les Verts.
  • Sur le plan politique ou politicien il n’admettait pas que ses collaborateurs aient des positions différentes des siennes. Ainsi pour la mandature suivante il pensait que Jack Lang était la meilleure tête de liste pour conquérir Paris et pas Delanoé. L’adjoint PS Jean André Lasserre qui soutenait Delanoé a été mis sur la touche pour cette seconde mandature, alors qu’il avait été excellent, et menacé de représailles !
  • Denis Baupin, alors collaborateur de Dominique Voynet, rencontrait avec elle bien des personnalités nationales, sans aucun complexe. Pourtant il était impressionné par Charzat et mal à l’aise avec lui. Bizarre !
  • Cela me fait penser que les divergences, peuvent ne pas empêcher la solidarité, voire l’amitié ! Tu sais peut-être que Martine Billard est actuellement collaboratrice de Mélenchon et Denis aurait souhaité que les écolos restent au gouvernement de Valls ! Déjà, à l’époque, leurs divergences politiques existaient nettement. Or, Denis, employé à mi-temps par Voynet, avait un fort petit salaire et Martine Billard, conseillère de Paris, l’a aidé financièrement pendant plusieurs mois. !

* Sophie : Tu me dis que tu as oublié de me raconter un incident curieux survenu dans ta résidence. J’espère que cela est intéressant ! Allons-y !

* Guy : Je t'ai dit que j’avais été élu en 1969 dans la direction nationale du SNES, syndicat majoritaire des enseignants du second degré. Je représentais seul lors d’un congrès la tendance minoritaire Rénovation syndicale..

  • Richard Nixon (président des Etats-Unis entre 1969-1974) est en voyage à Paris, les 1 et 2 mars 1969. Il symbolise l’atroce guerre menée par son pays contre le Vietnam et le Cambodge, les bombardements au napalm et leurs déforestations, etc. La jeunesse américaine est déchaînée contre lui. Le PSU a prévu de coller massivement des affiches « Nixon go home ». Le général De Gaulle est encore président de la République française.
  • A cause du congrès du SNES, je ne peux coller ce week-end là ! Tout le matériel : balais, seaux, affiches est dans ma cave. Deux équipes se forment et je donne le numéro du cadenas à Claude Picart. Je passe ma soirée du samedi au congrès et je rentre vers 23 heures, bien fatigué ! Coup de téléphone d’Arielle, la femme de Claude qui me dit que les deux équipes, environ 10 personnes, ont été arrêtées, dans mon hall, et que je dois les faire libérer car ils sont accusés d’avoir volé dans ma cave.
  • En fait, plusieurs habitants de mon escalier sont hostiles à mes activités politiques; et les bavardages à la sortie de réunions dans mon appartement les agacent sérieusement. Ils ont trouvé une bonne occasion de nous ennuyer ; quand la bande de mes camarades est rentrée joyeusement, ils sont descendus dans le hall et ont crié « au voleur », appelé le gardien, puis la police. Mes camarades ont expliqué qu’ils avaient, avec mon accord, déposé du matériel dans ma cave, qu’ils connaissaient le numéro du cadenas ; les flics disent : «Bon ! Montrez-nous ! » La police entre dans la cave et saisit des exemplaires des affiches ; puis embarque la bande de « comploteurs ».
  • Je téléphone au commissariat et celui-ci commence par nier les arrestations. Je parlemente et dis que quelqu’un a assisté à la scène. Heureusement les locataires du rez-de-chaussée étaient sympas et Claude avait eu le temps de leur demander d’appeler sa femme, ce qu’ils avaient fait. Ma négociation n’aboutit pas car la police dit que la décision dépend des instances supérieures ! Je téléphone à notre avocat Maître Henri Leclerc, célèbre, qui me dit : « La police a fait une énorme bêtise puisque c’est une perquisition sans mandat, donc une violation de domicile. Ils vont réaliser et libérer tes amis. Retourne demain tranquillement à ton congrès »
  • Je retourne au congrès le dimanche matin et cela me permet d’arracher la possibilité d’une déclaration indignée sur les méthodes policières et les complicités du régime avec les affreux Etats-Unis. A midi je téléphone à Arielle pour vérifier que Claude et les autres ont bien été libérés ! Stupéfaction, c’est non. Alors il faut que j’aille moi-même au commissariat, malgré le congrès du SNES, pour qu’enfin ils soient libérés après une nuit et une matinée passées au poste! Leclerc nous conseille de porter plainte pour violation de domicile ; mais nous apprenons que cela nous coûterait une fortune. Nous renonçons !

* Sophie : je pense que nous arrivons en 1997 à une seconde cohabitation et au gouvernement « gauche plurielle » de Jospin?

* Guy : Oui ! Le gouvernement de Alain Juppé nommé par le président Jacques Chirac a déclenché, contre son plan__ sur les retraites et la Sécurité sociale, un énorme mouvement populaire. Le président veut lui donner une assise solide pour les 5 ans qui restent et aussi pour négocier ce qui deviendra la zone euro. Les sondages sont positifs pour lui. Il décide donc de dissoudre l’Assemblée nationale.

  • Les sondeurs se sont trompés et c’est la gauche qui gagne nettement le premier juin 1997. C’est une gauche qui sera baptisée « plurielle ». Elle comporte le PS, le PC, le mouvement des citoyens de Chevènement, les radicaux de gauche et les Verts. Avec le recul, je trouve que le gouvernement Jospin est impressionnant, avec quantité de « poids lourds » de la politique. Ecoute bien !
  • Martine Aubry (emploi-solidarité), Elisabeth Guigou (justice), Claude Allègre (Education nationale, qui heurtera les enseignants, remplacé par Jack Lang en 2000), Jean-Pierre Chevènement (intérieur), Hubert Védrine (remarquable ministre des affaires étrangères), Pierre Moscovici (affaires européennes), Dominique Strauss-Kahn (économie, puis Laurent Fabius en 2000), Alain Richard (défense), Catherine Trautmann (culture), Louis Le Pensec (agriculture puis Jean Glavany), Marie-Georges Buffet (jeunesse et sport), Edouard Vaillant (relations avec le parlement), Dominique Voynet (environnement puis Yves Cochet), Jean-Luc Mélenchon (délégué à l’enseignement professionnel), Ségolène Royal (déléguée à l’enseignement), Bernard Kouchner (délégué à la Santé), Claude Bartolone (délégué à La Ville), Jean-Claude Gayssot du PC (équipement, logement, transports).
  • Michel Sapin sera ministre de la fonction publique en 2000.Idem pour Roger-Gérard Schartzenberg (ministre de la recherche et radical de gauche) et Catherine Tasca (ministre de la culture et de la communication).
  • En cherchant, pour toi, les membres des gouvernements Jospin, j’ai eu envie de connaître sa vie. Et stupéfaction ! Je découvre que le début de son engagement politique est assez analogue au mien : adhésion en 1958 à l’UGS (union de la gauche socialiste) et logiquement participation à la création du PSU, en 1960. On ne mentionnait jamais cela, à son propos !
  • Après ce bon départ, les choses se gâtent. Jospin est reçu à l’ENA, puis part faire son service militaire et fait de « mauvaises rencontres ». Il adhère, sous ces influences, à l’OCI (organisation communiste internationale). Ce groupe est le plus sectaire, le plus ambigu des groupes trotskistes, le plus violent également. Il a agressé physiquement ses « ennemis » du groupe trotskiste des camarades de Krivine, la LCR, essayé de les jeter dans le canal Saint Martin ! Il a également défenestré une militante du PC ; heureusement ce n’était que du premier étage ! Ils ont régulièrement un candidat à la présidentielle où ils n’atteignent jamais les 1 % ; je ne sais pas pourquoi ils changent régulièrement le nom de leur petit parti. Par contre ils ont fourni une bonne partie des cadres dirigeants du syndicat FO et du PS, en commençant par Jospin, Cambadélis, etc. Leur formation intellectuelle et politique est remarquable ; mais, manifestement très compatible avec la ligne social-démocrate.
  • Ils nous disaient que le PSU était le Vatican en France, parce que la majorité des ouvriers PSU étaient des chrétiens. Ils ne voulaient pas considérer que ces chrétiens étaient vraiment laïcs et très révolutionnaires, prenant des risques personnels avec le FLN algérien et étaient en général membres de la CGT.
  • Revenons à Jospin. Son gouvernement fut un bon gouvernement ; tout le monde le dit. Bon sur le plan économique, comme sur le plan social : réduction du temps de travail à 35 heures, adoptée en 2000, loi sur le PACS pour les homos, loi sur les conseils de quartier, loi sur l’AME (aide médicale d’état) et sur la CMU (convention maladie universelle), réhabilitation des mutins de la guerre de 1914.Par contre la gauche peut regretter le nombre fort important de privatisations.
  • Une erreur grave : le remplacement du septennat pour les présidents de la République par le quinquennat, en liaison immédiate avec les législatives, ce qui accentue le présidentialisme français. Au lieu de penser loin et haut, il a pensé court terme ; il pensait en bénéficier lui-même, en devenant président de la République en 2002. Autre erreur : Jospin dit que son programme n’est pas socialiste mais « moderne » (boulevard pour Lutte Ouvrière et la LCR).
  • Il fait campagne sur son bilan. Or, on ne gagne pas sur un bilan ; on gagne sur un projet. Et le 21 avril 2002, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, c’est un coup de tonnerre qui élimine la gauche pour le second tour.

* Jacques Chirac : 19,88 %, Jean-Marie le Pen : 16,86, qualifiés pour la suite

* Lionel Jospin : 16,18, Bayrou : 6,84

* Arlette Laguillier : 5,72 Chasse Pêche Nature etTradition : 4,23

* Jean-Pierre Chevènement : 5,33 Maddelin, libéral : 3,91

* Noël Mamère : 5,25, Bruno Mégret : 2,34

* Besancenot : 4,25 Coinne Lepage : 1,8

* Robert Hue, PC : 3,37 Christine Boutin : 1,19,

* Taubira : 2,32

* Parti des travailleurs : 0,47 Au total 8 à gauche, et 8 à droite !! Divisions

  • Lionel Jospin abandonne la vie politique et démissionne de son poste de Premier ministre. Il aurait pu fort bien, légalement, rester à son poste pour préparer les législatives. Sans rechercher toutes les causes de l’échec, y compris les siennes, Jospin mettra la responsabilité sur les divisions de la gauche. Je suis frappé de constater que les trotskistes, divisés en trois candidatures, font au total 10 %. Chevènement avait été fort virulent contre Jospin pendant la campagne.
  • Il y aura une énorme manifestation contre la menace Front National et toute la gauche soutiendra Chirac pour le second tour. Il dépassera les 80 %, mais ne renverra pas du tout l’ascenseur.