Raymond Georgein fut un artiste peintre connu internationalement de la Chine aux Etats-Unis, membre de l’Atelier des Beaux-Arts de mai 68…et créateur de l’atelier sérigraphie de la section PSU 20e. Raymond, nouvel adhérent de notre section, amenait chaque semaine un petit rouleau des affiches tamponnées Beaux-Arts. Nous devions les coller toutes sans exception ; mais je ne regrette pas d’avoir, malgré cette consigne politique, conservé un exemplaire de chaque affiche car cela représente une précieuse fraction d’archives historiques Quand le pouvoir gaulliste ferma le dangereux pôle de contestation que constituaient les beaux-arts, Raymond entraîna quelques camarades libertaires rue Borromée au siège national du PSU et, pendant quelques mois, il continua avec eux à élaborer et à imprimer des affiches sérigraphie au dos de la célèbre affiche PSU aux foules stylisées : « Pouvoir ouvrier, pouvoir paysan, pouvoir étudiant, pouvoir au peuple » ; l’atelier fonctionna au second étage de la rue Borromée au-dessus du bureau du secrétaire national Michel Rocard.
C’est Raymond qui proposa à notre section parisienne la création d’un atelier sérigraphie local, qui l’organisa et l’anima pendant de nombreux mois. Sa gentillesse souriante, son humour délicat, son intelligence subtile, sa créativité, sa passion du travail collectif ont été fondamentaux pour la vie de l’atelier. Il savait rendre le travail participatif, joyeux et efficace. J’allais acheter le matériel, les cadres à toile de nylon, les raclettes, les pots de peinture chez Tripette et Renaud dans le Sentier. Pour le séchage des affiches fraîchement imprimées j’avais fabriqué 5 ou 6 cadres en bois bordés de pinces à linge, cadres destinés à leur suspension. Il y avait même un système de poulies et de ficelles pour hisser les cadres au plafond du pavillon de la rue Géo Chavez mis à notre disposition par un sympathisant qui attendait un acquéreur. Les premières œuvres avaient été imprimées dans l’atelier de notre camarade photographe Laurent Zundel ; Voir article « Les riches heures d’un atelier de sérigraphie »
Les premières toiles de Raymond stigmatisaient le sinistre enfermement concentrationnaire des immeubles pompidoliens de très grande hauteur qu’il connaissait bien puisqu’il habitait rue de la Py, rue pas très éloignée de ce quartier saint Blaise, qui est devenu le quartier le plus dense d’Europe.
Sa seconde période fascinée par mai 68 fut celle des collages « surréalistes » avec des peintures mixant foules de manifestants, sexes, visages, journaux. J’ai longtemps reçu des cartes de vœux de ce type fort original.
Dans une troisième période, il associa collages et sculptures à partir de morceaux de mannequins de grands magasins, peints d’une blancheur éclatante. Les hauts murs de son atelier-domicile de la rue de la Py étaient encerclés par une sarabande de ces mannequins féminins vêtus de leurs érotiques chemises nocturnes qui donnaient vie à un stock de toiles. Un repas chez lui était un voyage étonnant, avec des dialogues passionnants !
Sa dernière période a été marquée par l’influence de son amie chinoise, avec de délicates couleurs pastel derrière de fins réseaux de toiles. J’ai une belle affiche de son exposition « Retour de Chine » en mai 1994. Sur wikipedia vous verrez que quelques-unes de ses oeuvres sont encore dans les salles de ventes
Sa peinture et sa vie sont une synthèse harmonieuse de l’art, de la politique et de l’érotisme. Ce personnage hors norme a marqué profondément toute une période de la vie de notre section PSU. Il est mort en 2002.