Les riches heures de la sérigraphie,portées par l’Atelier des Beaux-Arts de mai 68
:: Par Guy Philippon, lundi 9 juin 2008 ::
Les affiches de cet atelier sont encore célèbres 40 ans après : impertinence sans aucun tabou dans le choix des thèmes les plus explosifs, virulence joyeuse des slogans, révolution dans le graphisme et dans la technique d’impression. Elles ont inspiré toute une série de groupes militants pendant une dizaine d’années. Pourquoi? :
- Fascination du modèle Beaux-Arts qui génère une véritable école.
- Rejet de styles éculés dans la propagande et dans la publicité.
- Technique qui permet à des amateurs militants de produire vite et à faible coût des affiches collant à l’actualité.
- Effervescence militante de l’époque chez les héritiers de Mai.
- Mais surtout joies individuelles et collectives de ces groupes sérigraphie. La richesse humaine et politique est dans le mariage entre « intellectuel collectif » et travail manuel fastidieux voire pénible mais joyeux, sans division du travail, mariage entre originalité politique et imagination esthétique, entre débat de fond sur le thème et peaufinage d’un slogan court, percutant et « juste ». C’est sans doute la seule activité militante dans laquelle le même groupe produit de A jusqu’à Z un instrument de communication, depuis le choix de l’affiche jusqu’à son collage et au dialogue avec les passants (que ce type d’affiches suscitait ; on nous demandait souvent un exemplaire, parfois on le payait, et il a fallu que nous recommencions le tirage de notre affiche PSU sur le centième anniversaire de la Commune de Paris ; elle a figuré dans des expositions et en couverture d’un livre)
La sérigraphie ; écologie et autogestion :
L’activité était autogestionnaire comme je viens de l’expliquer. Notre groupe local du PSU a produit des milliers d’affiches entre 1969 et 1978 environ, avec plus d’une centaine de modèles (De Gaulle et le référendum de 69, le logement, les promoteurs et l’expulsion des classes populaires, les transports et la voiture, le nucléaire, LIP et l’autogestion, les luttes des immigrés, les problèmes internationaux, les luttes des femmes, le contrôle ouvrier, etc.). Nous avions la chance d’avoir comme animateur Raymond Georgein, peintre de renommée internationale qui avait fait partie de l’atelier des beaux-arts avant leur expulsion par les forces de l’ordre et même après car il avait entraîné une partie de ses amis dans un nouvel atelier situé au-dessus du bureau de Michel Rocard, alors secrétaire national du PSU ; c’est pour cela que j’ai un certain nombre des affiches avec le tampon beaux-arts et toutes celles de notre groupe local du PSU. A Raymond Georgein succéda comme dessinateur un autre peintre de la section, Claude Picart avec qui le groupe réalisa 3 grandes fresques de 3 mètres sur 3 ou 4 (sur la marche des beurs, le droit d’expression des immigrés et une lyrique sur la révolution des œillets au Portugal).
L’activité était écologique en ce qu’elle évitait les gaspillages ; le tirage se faisait au dos d’affiches imprimées restées inutilisées (habitude courante et inévitable) ; l’énergie utilisée était celle des bras militants et les cadres en nylon étaient soigneusement nettoyés pour resservir. Ce nettoyage pénible et long nous a conduit à utiliser parfois un produit fort peu écologique dont nous ignorions la dangerosité, le trichloréthylène qui nous faisait tourner la tête !
Voir également les 2 textes qui expliquent la vie d’un atelier de sérigraphie, la technique, les étapes du travail, les difficultés, les évolutions.