C’est le 23 juin 1972 qu’est signé le programme commun de gouvernement par George Marchais pour le PCF, François Mitterrand pour le PS et Robert Fabre pour les radicaux de gauche. C’est un moment historique pour la gauche et même pour la France car c’est grâce à cette coalition que Mitterrand deviendra président de la République 9 années plus tard.

François Mitterrand commence à peine son ascension ; il n’est premier secrétaire que depuis un an et le PS est encore très affaibli.

Le PC est incontestablement la force dominante de la gauche par ses puissants réseaux militants, ses liens étroits avec la grande centrale ouvrière qu’est la CGT mais même électoralement ( Jacques Duclos a obtenu 21,27 % des voix 3 ans plus tôt à l’élection présidentielle, contre 5,01 % au PS Gaston Defferre). Il pourrait préférer l’alliance avec le PSU à l’alliance avec le PS et d’ailleurs 3 grandes villes au moins : Le Havre, Nîmes et Reims sont gérées par cette alliance avec 3 maires communistes ; des négociations avec la direction du PSU pour une déclaration commune sont menées par Paul Laurent et Roland Leroy du bureau politique communiste, mais s’arrêtent avec la signature du programme commun. Les historiens diront peut-être un jour les motivations de la direction du PC ? En effet le PSU est une organisation plus forte que le PS sur le plan militant ; il a des liens très étroits avec la CFDT et une base ouvrière dont révélera l’imagination et l’efficacité. Mais le PC garde un très mauvais souvenir de mai 68, se méfie du PSU qu’il classe dans le camp des gauchistes irresponsables, de, Rocard trop proche de l’anticommuniste Mendés France. L’autogestion n’est pas dans sa culture. Le PC pense que sa force lui permettra de « plumer la volaille socialiste » : sans doute la pense-t-elle moins dangereuse pour lui que le PSU, la CFDT et leur autogestion !

Le PSU n’a pas été associé aux négociations Il fait une critique rigoureuse, sérieuse et sans sectarisme du programme commun dans le « PSU-documentation » d’octobre 1972. Ce texte mériterait de longues citations. Le programme commun ne contient pas « une thèse positive sur la société à construire » car PC et PS n’ont pas « une visée commune ». « L’Etat occupe à l’évidence une place centrale dans le programme commun. Il est l’instrument décisif, voire exclusif de la transition…Les travailleurs ne sont jamais considérés collectivement comme les acteurs décisifs de la transition.. Il appelle les citoyens les gouvernés, les administrés ! » (La CFDT fera d’ailleurs une critique du programme commun proche de celle du PSU).

Le manifeste du congrès de Toulouse de décembre 1972 : « Contrôler aujourd'hui pour décider demain » sera un vrai succès et sera très diffusé. La lutte exemplaire des Lip à partir de 1973 sera éminemment populaire et inquiétera le pouvoir giscardien. Et pourtant la bataille politique du programme commun qui marginalise le PSU est sans doute une raison importante de sa lente décroissance ultérieure. Lors de discussions pendant des diffusions combien de fois ne nous a t-on pas dit : « Lip c’est extraordinaire, je suis d’accord avec vos propositions mais je voterai pour le candidat susceptible d’être élu, PC ou PS ! » Dans les manifestations communes le slogan « Union, action, programme commun » écrasait tous les autres (force militante du PC). L’exigence d’union et l’espoir de victoire sont souvent plus forts que tout et même que les programmes développés, que les perspectives à court ou long terme. L’union avant les idées ! Le PSU devenait un laboratoire d’idées fort sympathique mais marginal et ce fut longtemps le cas des écologistes.

L’histoire a donné raison aux Cassandres PSU ! Pendant la campagne de la présidentielle de 1981 j’ai participé dans notre vingtième arrondissement aux réunions et actions du rassemblement baptisé Union dans les luttes avec des socialistes, des communistes et bien d’autres. Je me souviens fort bien que quelques jours avant le scrutin j’ai proposé que soit prévue, après la victoire, une réunion pour organiser le soutien à l’action de Mitterrand (le pousser quelque peu pensais-je). Proposition gentiment évacuée et nulle part en France ne fut organisée la mobilisation populaire face aux fuites de capitaux, aux campagnes scandaleuses de la droite qui pronostiquait les chars russes à Paris. Pourtant les militants de gauche connaissaient le rôle que les masses populaires avaient joué en 1936 pour le Front populaire. Le PSU avait souligné fortement que le programme commun était axé sur la délégation aux élus et aux camarades occupant l’appareil d’Etat ; « Donnez-nous le pouvoir et nous satisferons vos besoins ». Il ne parlait nullement de changer l’Etat, sa police, son armée et n’engageait pas une transition au socialisme.

Le PSU devra renoncer à devenir un élément essentiel de la gauche et s’inscrire dans de nouveaux rapports de forces : alliances diverses, Front autogestionnaire, Arc-en-ciel, comités Juquin, etc. sans parler de la participation à un gouvernement (Huguette Bouchardeau ministre de l’environnement dans le gouvernement Laurent Fabius, avec un directeur de cabinet longtemps membre de notre section du 20e arrondissement Michel Mousel et un autre membre de celle-ci Xavier Bolze chargé des relations du cabinet avec le parlement). Nous en reparlerons.