Stéphane Sitbon: Le PSU semble avoir été encore après le départ de Rocard un vrai laboratoire d’idées et aussi de luttes dans de nouveaux domaines ?

  • Guy Philippon : C’est vraiment un aspect positif indiscutable du bilan PSU. Les 17 thèses du Congrès de Dijon de mars 1969 parlaient du capitalisme, du socialisme, de la prise du pouvoir mais pas du tout de l’autogestion. La réflexion sur l’autogestion et les concrétisations dans des actions ont dominé la période PSU des années 1971-1981. Nous avons parlé de Lip et il faut que nous parlions de « Louviers sur la route de l’autogestion ». C’est le titre du livre de Christophe Wargny publié par notre éditeur Syros d«e la rue Borromée. Le nombre de livres publiés par Syros sur l’autogestion, Lip, l’écologie et le féminisme est assez impressionnant.
  • Les 3 et 4 juillet 1976 ont lieu les "Etats généraux pour l’autogestion socialiste " avec des associations du cadre de vie (nom donné alors à ce qui plus tard entrera dans le chapitre écologie),des mouvements de femmes ou régionalistes (plus de 400 délégué-e-s). Il s’agissait de contrôler collectivement les conditions de vie, de travail, de santé, d’existence (production, emploi, consommation). Le bilan est raconté dans les 270 pages du livre édité par Syros. Le même éditeur publie au début de1978 le programme autogestionnaire du PSU « Pour vivre, produire, travailler autrement ». Ces travaux montrent que le PSU commence à intégrer vraiment dans sa problématique les questions écologiques.
  • En préparant notre interview d’aujourd’hui j’ai eu envie de regarder dans ma bibliothèque de militant et j’y ai trouvé 8 livres sur l’autogestion achetés à l’époque, que je n’ai pas tous lus, mais cela témoigne de notre intérêt pour l’autogestion :
  1. Le "Autogestion, Autogestion, Autogestion" de Daniel Chauvey au Seuil
  2. 4 livres « Autogestion et socialisme - Etudes, débats, documents» publiés entre 1972 et 1976, le premier consacré à Charles Fourier, le second à l'ltalie, le troisième aux Etats-Unis, le dernier sous-titré Gestion directe au Portugal ; ce dernier était le n° 26 de la série),
  3. un livre de Pierre Rosenvallon « L’âge de l’autogestion » 1976
  4. le livre d’Edmond Maire « Demain l’autogestion » que j’ai eu plaisir à relire. Quelques mots sur des pages qui m’ont paru fort intéressantes. Il y met en garde contre une répétition de l’illusion qui a constitué à penser que la révolution industrielle aurait nécessairement comme « enfant naturel le socialisme » - « Le socialisme c’est les soviets plus l’électricité » écrivait Lénine. Edmond Maire dit :attention ne disons pas aujourd’hui que « le socialisme c’est l’autogestion plus l’ordinateur »
  5. enfin le livre de Christophe Wargny édité par Syros : "Louviers sur la route de l’autogestion" paru à la fin de 1977

Stéphane Sitbon : Tu voulais parler de l’expérience de Louviers ?

  • Guy : Cette expérience fait partie de celles qui solidifient les théories que nous portons, qui montrent que nos utopies sont possibles. L’élection municipale de mars 1977 est préparée par un rassemblement large de militants du CAG (Comité d’Action de Gauche), du PSU, de la CFDT, par des libertaires mais aussi par de simples citoyen-ne-s. La victoire est nette et l’imprimeur Henri Fromentin devient maire de Louviers. Forgée par et pour les Louvériens l’équipe municipale va réaliser une véritable révolution démocratique et rendre le pouvoir aux habitants dans tous les temps (et pas seulement à l’occasion des élections) par la constitution de « commissions de quartier », de « commissions de gestion municipale » et de la « commission plénière », véritable conseil municipal ouvert à toutes et tous. Elle réunit toutes les autres commissions qui soumettent les propositions élaborées. Le POS (Plan d‘Occupation des Sols) devient l’affaire de toutes et tous ; la beauté n’est plus réservée aux riches. Les priorités sont discutées avec les élus. Autre « révolution » tous les services publics (sportifs, culturels, etc.) deviennent gratuits, en particulier pour les enfants, cela pour éliminer toute notion de rentabilité.
  • J’ai comme ami depuis plus de 10 ans Renaud Martin fils du docteur Ernest Martin premier adjoint en 1977. Celui-ci, maire entre 1965 et 1969, avait bien préparé le terrain mais avait été mis en minorité par les communistes à cause des divergences de mai 68. Renaud explique que l’échec de l’équipe de 1977 lors de l’élection suivante était, pour lui, du au fait que la gratuité avait été étendue aux habitants des communes voisines et que la droite avait pu attaquer sur l’augmentation des impôts! Un classique ! Un camarade de la section du 20e Xavier Bolze fut secrétaire de la mairie de Louviers à cette époque.

Stéphane Sitbon : A quel moment le PSU parle t-ll d’écologie ?

  • Guy : En mars1978 j’ai été candidat « Ecologie Autogestion » dans la 30e circonscription du 20e arrondissement de Paris. Cette candidature se situait dans le cadre du Front Autogestionnaire soutenu par le PSU, le MAN (Mouvement pour une Alternative non Violente) et des militant-e-s écologistes, syndicaux ou associatifs. Dans l’autre circonscription de l’arrondissement la candidate était une écologiste Denise Fernandez soutenue par quelques autres écolos ; elle avait un suppléant PSU..
  • C’est au début 1978 que paraît "L’utopie réaliste", une autre logique économique pour la gauche » rédigé par Michel Mousel et notre commission économique Au dos de la couverture on lit : « Prendre en compte les aspirations qui mettent en cause la logique productiviste, ses inégalités et sa hiérarchie, refusant la croissance du gaspillage et les dégâts du progrès » Voilà une déclaration que signerait des deux mains un écologiste d’aujourd’hui !
  • Au même moment Syros publie le livre de Claude-Marie Vadrot « L’écologie, histoire d’une subversion ». Claude-Marie Vadrot fut membre de notre section locale et fondateur des Amis de la terre avec Brice Lalonde autre adhérent du PSU entre 1963 et 1967. Lalonde fut ensuite directeur de la campagne présidentielle de René Dumont, lui-même candidat en 1981, fondateur de Génération Ecologue et membre des gouvernements de Michel Rocard et d'Edith Cresson en charge de l’environnement. Faut-il mentionner que Lalonde fut nommé par Sarkozy Ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, entre septembre 2007 et février 2011 ?